Critique – Voyage voyage – Victor Pouchet – Gallimard

Critique – Voyage voyage – Victor Pouchet – Gallimard


Parce que Marie, la quarantaine, vient de subir une énième fausse couche qui l’a laissée au fond du trou, Orso décide d’employer les grands moyens en mettant en place ce qu’il appelle « la théorie de la grande diversion ».

En somme, il s’agit de « se changer les idées » pour penser à autre chose que cet enfant tant désiré, de « chercher l’aventure dans des endroits inédits » au bord d’une Nevada antédiluvienne.

Et de l’inédit, le couple va en trouver en visitant des musées plus ou moins improbables, bien éloignés de ceux plébiscités par les touristes.

On peut citer ceux des Poids et Mesures de Mécringes dans la Marne, de la Mine de fer, du Costume traditionnel et de l’Amiante et de Cire de Lourdes, comble du mauvais goût. Sans oublier celui de la Gendarmerie à Saint-Tropez !

Pour ces Parisiens d’adoption venus des « territoires » comme les appellent les élites de la capitale avec un brin de condescendance, cette échappée de plus en plus belle est aussi un retour aux origines.

Lors de cette expédition, ils feront aussi des rencontres insolites : avec une veuve frappée par la mort, avec un tonton fantasque et bohème, avec un couple de Ch’tis amoureux des pigeons.

Entre gravité et légèreté, Victor Pouchet ausculte le destin d’un couple qui s’aime et qui tente de sortir la tête hors de l’eau et de retrouver le goût de vivre.

Pour y arriver, rien de tel que de pimenter l’existence d’un peu de fantaisie.

En creux, le roman s’interroge sur les raisons qui poussent les femmes et les hommes à avoir des enfants. Certains répondent qu’il s’agit de se reproduire pour perpétuer la filiation, d’autres pensent qu’ils doivent se soumettre aux injonctions sociales et familiales. Car, si vous n’êtes pas dans la norme, vous êtes considéré, même si vous êtes un quadragénaire respectable, comme un éternel ado qui refuse d’entrer dans l’âge adulte.

Et si être parent n’était pas, avant tout, une envie, plus ou moins inconsciente, de renouer avec l’enfance.

C’est le cas d’Orso qui a gardé son âme de gamin et a fait sienne la phrase épigraphe extraite des « Autonautes de la cosmoroute » de Carol Dunlop et Julio Cortazar : « Toute expédition […] suppose qu’on n’ait pas tout à fait perdu l’enfance qu’on porte en soi. »

La preuve : il a emporté dans son périple le « Manuel des Castors Juniors » de sa jeunesse.

Marie et Orso forment un binôme dont la fraîcheur désarmante les rend attachants et Victor Pouchet est un auteur délicat.

Bref, « Voyage voyage » est un joli petit roman initiatique qui fait de la vie, face à l’adversité, une succession de petits riens qui font du bien.

EXTRAIT

– La vie était de toute évidence une farce, autant s’en amuser.

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