Critique – A mains nues – Tomes 1 et 2 – Leïla Slimani – Clément Oubrerie – Les Arènes
J’avoue avec un peu de honte n’avoir jamais entendu parler de Suzanne Noël, femme indépendante et féministe avant l’heure née dans l’Aisne en 1878.
Après son mariage, alors qu’elle n’a que 19 ans, avec Henry Pertat, un dermatologue réputé, elle s’installe à Paris et mène la vie oisive d’une bourgeoise, une situation qui ne convient pas à cette battante.
Avec le soutien de son mari, elle décide de passer son baccalauréat. Diplôme en poche, elle entreprend des études de médecine et essuie les remarques misogynes de certains de ses « camarades » et enseignants.
Elle entretient une relation avec André Noël, étudiant comme elle. Alors qu’elle est nommée externe des hôpitaux de Paris, elle apprend sa grossesse mais ne sait si le père est Henry ou André.
C’est en rejoignant le service du professeur Morestin qu’elle découvre la chirurgie réparatrice. Une révélation pour cette amatrice de peinture qui voit dans sa profession le pendant de l’activité artistique.
Alors que le peintre manie ses pinceaux, la chirurgienne se sert de son scalpel avec le même objectif : créer de la beauté.
Avant de se consacrer à ce projet pour rendre notamment aux femmes, dans une société d’apparence, leur jeunesse et leur éclat, elle s’emploiera à redonner un aspect humain aux « gueules cassées » de la Grande Guerre.
Mais, passionnée par son métier, elle délaisse son mari et sa fille.
Après s’être séparée de son premier mari en 1911, elle épouse André qui se suicide en 1924 dévasté par la mort de la petite Jacqueline qu’il a élevée comme si elle était son enfant qu’elle était peut-être.
Forte et peut-être un peu insensible, terme qu’on n’utiliserait peut-être pas pour un homme ambitieux, Suzanne s’investit dans son travail et se lance dans le combat féministe en créant la section française de « Soroptimist », un club interprofessionnel d’origine américaine qu’elle essaimera un peu partout en Europe.
Portrait d’une femme engagée (elle fut également résistante) qui, malgré ses soucis de santé, ne renonce jamais, « A mains nues » est magnifié par les illustrations de Clément Oubrerie, découvert grâce au très réussi « Aya de Yopugon », qui restitue avec minutie le début du vingtième siècle à Paris tout en ne nous épargnant pas la représentation très crue de la boucherie que fut la Première Guerre Mondiale.
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