Critique – Chagrin d’un chant inachevé – Sur la route de Che Guevara – François-Henri Désérable – Gallimard

Critique – Chagrin d’un chant inachevé – Sur la route de Che Guevara – François-Henri Désérable – Gallimard


Alors que ses proches lui enjoignent d’acheter un appartement à Paris, François-Henri Désérable choisit son sac de voyage et prend la poudre d’escampette.

Direction l’Amérique du Sud sur, plus ou moins, les traces d’Ernesto Guevara avant qu’il ne soit le Che.

Soixante-cinq plus tôt, le futur révolutionnaire avait en effet effectué un périple à motocyclette avec son ami Alberto Granado.

Celui qui a raconté sa traversée de l’Iran en 2023 s’inscrit dans la lignée des grands auteurs du 19e siècle tels Chateaubriand, Lamartine, Gautier, Stendhal ou encore Flaubert qui ont fait du récit de voyage un genre tout à fait respectable.

Il a pourtant pour « évangile » un livre plus récent : « L’Usure du monde » de Nicolas Bouvier.

En parcourant leur pays natal, puis le Chili, le Pérou, la Colombie et le Venezuela, ses prédécesseurs argentins avaient une seule envie : voir du pays. Nul objectif politique n’était assigné à cette virée entre deux potes qui sera, notamment pour Ernesto, la prise de conscience des inégalités et des injustices.

Mais revenons à l’écrivain voyageur qui assure ne pas avoir « l’étoffe d’un révolutionnaire », mais plutôt celui « d’un vagabond ».

et qui nous embarque pour un road trip aventuro-touristique.

À l’instar de son illustre prédécesseur, tout commence en Argentine sur une route proche de Buenos Aires le pouce levé.

À pied, à moto, dans des cars bondés, dans des taxis, tous les moyens de transport sont bons pour parcourir les pays.

Avec un humour malicieux, il nous raconte par le menu son expérience en usant de digressions personnelles, historiques et sur son modèle dont il avait punaisé la photo d’Alberto Korda dans sa chambre : un condor, symbole des Andes, qui le survole ; les « plaines infinies » de la Pampa ; le manque d’eau et la quasi famine ; la misère endémique matérialisée par les innombrables bidonvilles qui sont autant de ghettos dont les riches se protègent en érigeant des murs ; la violence et la corruption chroniques ; la révélation de conditions de travail indignes dans une mine de cuivre du Chili qui, quand le Che et son ami sont s’y sont arrêtés, était exploitée par les Ricains ; au Venezuela, la monnaie ne valant rien et le PQ étant rare, les habitants s’essuient le séant avec des billets de cent bolivars ; les rencontres avec un Suédois chasseur de couchers de soleil, mais aussi avec un berger allemand péruvien peu amène,; la ferveur religieuse teintée de superstitions des populations latino-américaines ; La Higuera où le Che fut assassiné par l’armée bolivienne et où on lui voue toujours, près de soixante ans après sa mort, un véritable culte ; les « cimetières d’éléphants » de La Paz où les hommes se suicident à l’alcool à quatre-vingt-seize degrés (je vous laisse deviner ce qui leur arrive quand ils ne sont pas tout à fait morts…)…

Avec ce texte qui souligne les vertus du voyage comme mode de vie, l’auteur a composé une ode à la liberté, à l’oubli de soi et à l’altérité qui se lit avec intérêt et plaisir.

EXTRAITS

  • Partir loin, c’est encore le meilleur moyen de se mettre à distance de soi-même.
  • « On voyage pour changer, non de lieu, mais d’idées.» (Hippolyte Taine)
  • Le plus beau des voyages sera toujours celui qui reste à faire.
  • « Soyez réalistes, demandez l’impossible » (Che Guevara)

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