
Critique – L’Homme en noir – Thierry Ardisson – Plon
« L’Homme en noir » évoque un temps révolu, celui où le service public offrait l’antenne à un interviewer, en l’occurrence Thierry Ardisson, auteur de ce bref récit, qui n’hésitait pas, dossiers bien documentés à l’appui, à poser des questions qui fâchent, certaines pertinentes visant à démythifier avec talent les stars ménagées, voire adulées, ailleurs, et globalement à mettre mal à l’aise ses interlocuteurs en les poussant dans leurs retranchements ; d’autres carrément vulgaires (on pense à la question « sucer, c’est tromper ? » posée à Michel Rocard qui a en partie concouru à la déconsidération des hommes politiques dans l’opinion).
Un exemple : avec Balladur, ex-Premier ministre, à qui il affirme que ses attachés de presse lui ont dit de ne pas évoquer ses origines turques, le « bad boy » s’étonne : « on vous reproche souvent d’être hautain et distant et le fait d’être un travailleur immigré vous rapprocherait des gens, non ? ».
Dans cet exercice, où toutes les vérités étaient bonnes à dire quelles que soient les conséquences, il était flanqué du sniper Laurent Baffie, plus tendre avec ses amies les bêtes qu’avec ses congénères, et de la productrice Catherine Barma à l’oreillette, chargée de tempérer les ardeurs de son animateur et de le secouer dans le cas où les audiences baisseraient…
Depuis, #MeToo et le wokisme sont passés par là et, qu’on aime ou pas l’auteur de « Louis XX », on ne peut que constater que les talkshows sont aujourd’hui bien tièdes.
Ardisson, qui n’anime plus d’émission de débat, s’en donne à cœur joie en dézinguant, avec sa maîtrise de la punchline, Christine Angot, Cyril Hanouna ou encore Vincent Bolloré qui l’a viré du groupe Canal en 2019.
Le pitch de « L’Homme en noir » part d’un coup de feu tiré dans le studio d’enregistrement de « Tout le monde en parle ».
Alors qu’on recherche l’auteur du forfait, les interviews, réelles et imaginées, se succèdent au rythme d’une playlist collant aux différents entretiens.
Cette autofiction mâtinée d’hallucinations vaut surtout pour la description d’une époque et pour, étonnamment, le sens de l’autodérision que manifeste le septuagénaire, qu’on pensait plus arrogant, notamment lorsqu’il se retrace sa vie passée.
Ça le rendrait presque sympathique.
EXTRAITS
– Vous avez réinventé le cinéma muet ! (à propos de Vincent Bolloré et du mutisme du monde du septième art qui dépend des financements de Canal) ;
– Comment pourrais-je être encore monarchiste après avoir vu ce que l’hérédité pouvait donner ? (à propos d’Arnaud Lagardère) ;
– Je ne suis pas un enfant de la télé, je suis un enfant de l’ORTF ! Le service public doit être l’école du peuple !
– L’hérédité peut-elle donner pire que François Hollande ?
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