Critique – Austerlitz – W. G. Sebald – Actes Sud

Critique – Austerlitz – W. G. Sebald – Actes Sud


Une célèbre bataille, une gare, le patronyme exact de Fred Astaire. Même s’ils apparaissent au passage, Austerlitz est avant tout le nom de famille d’un certain Jacques que le narrateur retrouve à Anvers en 1967.

Cette rencontre sera suivie d’autres au cours desquelles le protagoniste principal lui racontera son histoire si singulière.

C’est à la mort de ses parents adoptifs, des êtres sombres et confits dans la religion, qu’il apprendra la vérité sur son identité réelle. Il ne s’appelle pas Dafydd Elias mais Jacques Austerlitz. Il a alors quinze ans lorsqu’il apprend la nouvelle.

Ce n’est que bien plus tard qu’il en saura un peu plus sur son passé.

Déjà, son engouement pour l’histoire et pour l’architecture, à condition qu’elle s’arrête à la veille d’un vingtième siècle si sanglant, attestait son goût pour le passé et les traces qu’il laisse.

Inconsciemment, il aurait intériorisé ces stigmates.

Leur manifestation latente entraîne chez lui un état de mal-être permanent, des hallucinations, des insomnies, des épisodes de somatisation, des crises flirtant avec la démence, des envies de suicide qui peuvent gagner ceux qui ont survécu, l’impression d’être un autre, d’être irréel, d’être hors du temps.

Seule la quête des origines le sauvera.

En filigrane se dessine la Shoah que Sebald, en tant qu’Allemand honteux de ce que son peuple a fait aux Juifs, n’aurait pas le droit de décrire frontalement.

Profondément mélancolique, d’une tristesse insondable, empreint d’une grande poésie, « Austerlitz » est un livre hybride qui mêle fiction, réalité et une iconographie jamais légendée et souvent floue.

Ce procédé donne la sensation de pénétrer un univers à part qui vous enveloppe par son rythme obsédant et enténébré les lieux, les époques, les événements s’entrelaçant dans un rapport au temps s’étirant, puis se rétractant.

L’auteur, qui signe là son ultime roman, a fait un remarquable travail sur la mémoire et ses mystères. Pourquoi est-elle parfois occultée, sélective ? Pourquoi revient-elle sous la forme de flashes ?

Et la mission que Se d’offrir un tombeau littéraire aux oubliés de l’histoire traverse toute son œuvre (cf. notamment « Les Émigrants ») comme s’il voulait racheter les horreurs commises pas ses compatriotes dont il eut tellement honte qu’il partit vivre en Angleterre.

Même son prénom, Winfried Georg, il le jugeait tellement germanique qu’il demanda à ses amis de l’appeler Max…

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