Critique – La nuit des béguines – Aline Kiner – Liana Levi
Lorsqu’on évoque le Moyen-Age, on pense souvent à l’amour courtois mais la condition des femmes est bien loin de celle décrite dans les vers délicats des poèmes qui les célèbrent et qui finalement, comme l’a souligné l’historien Georges Duby, ne font que les instrumentaliser.
Pourtant, dans ce Paris grouillant et vivant fort bien décrit par l’auteure, il existe un havre de paix et de liberté : le grand béguinage situé au cœur du Marais et voulu par Louis IX alias Saint-Louis.
Dans cet endroit vivent des dames pieuses souvent veuves qui ne sont pas nonnes. Pour incarner cet esprit, Aline Kiner fait appel à deux caractères forts : Ysabel, la vieille intendante sage, bienveillante et à l’esprit ouvert et Ade, une belle femme qui se mortifie pour n’avoir pas pu donner une descendance à son mari.
Au cœur de cette quiétude surgit Maheut à la chevelure rousse, couleur du Diable. Enceinte d’un mari qu’on lui a imposé, la jeune fille est accueillie par les béguines. En ce début de XIVème siècle où l’Inquisition sévit, l’indépendance de ces femmes ne plaît pas. L’une d’entre elles, Maguerite Porete, auteure du « Miroir des âmes simples et anéanties », celle qui considère « Dieu comme un amant désiré », est considérée comme hérétique et brûlée en place de Grève. Les Templiers, moines-soldats, sont arrêtés et subissent le même sort que la mystique. On leur reproche de pisser sur la croix et d’être des invertis !
Roman historique composé dans une écriture classique, « La nuit des béguines » est une ode à la liberté et au féminisme qui nous plonge avec délice et parfois effroi dans un Paris médiéval dont on voit encore aujourd’hui quelques traces.
EXTRAIT
Mais à chaque instant ces femmes inclassables, ni épouses ni nonnes, ni totalement contemplatives ni totalement actives, ces femmes mi-chair mi-poisson, peuvent compromettre l’Ordre.
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