Critique – American darling – Russell Banks – Actes sud

Critique – American darling – Russell Banks – Actes sud


A l’aube de la soixantaine, alors qu’elle dirige une exploitation agricole, Hannah décide de retourner au Liberia, pays où elle a laissé ses trois fils, funestement surnommés Pire-que-la-mort, Mouche et Démonologie, pour des raisons qu’elle va nous expliquer tout au long des quelque 570 pages qui composent ce roman magnifique.

Sa jeunesse dans une famille bourgeoise avec un père qu’elle adore et une mère égocentrique est marquée par son militantisme au sein des Weathermen, des activistes radicaux. Sa position subalterne au sein du mouvement va pourtant l’obliger à vivre dans la clandestinité, à changer d’identité et à fuir les Etats-Unis.

Partie pour le Ghana, elle atterrit finalement au Liberia, un curieux pays créé au début du 19ème siècle par une société américaine de colonisation qui voulait se débarrasser des Noirs jugés trop nombreux sur le territoire en les envoyant retrouver malgré eux leurs racines, déclenchant des conflits avec les autochtones. Tout au long de sa courte histoire, ce pays fut la tête de pont des States en Afrique.

C’est à Monrovia, la capitale, qu’elle rencontre Woodrow, ministre dans le gouvernement de Tolbert, et l’épouse. Malgré les trois enfants, dont elle ne se sentira jamais proche comme s’ils appartenaient à leur père et à leur pays, qu’ils auront ensemble, les différences culturelles entre les époux favoriseront leur éloignement. D’autant plus que son mari la trompe allégrement avec l’employée de maison dont elle se fait une amie… Elle trouve un sens à sa vie en sauvant des chimpanzés utilisés comme cobayes.

Lucide sur son caractère et son comportement pas toujours glorieux, la narratrice Hannah dresse le portrait sans concession d’une femme à la fois forte et fragile ballottée par les circonstances de l’histoire mais qui tiendra toujours à préserver sa liberté quitte à toujours fuir et à donner parfois à sa vie, finalement empreinte de solitude, un goût d’inachevé, incapable qu’elle est de s’engager totalement. Sauf pour ses chers singes, ses « rêveurs ». « American darling » est aussi un formidable document sur un pays, le Liberia, dont les origines expliquent les dérives sanglantes. Mais il n’est pas le seul dans cette région du monde !

EXTRAIT

Leur regard me montrait, comme si j’avais besoin qu’on me le rappelle encore, que les fils conducteurs de ma vie avaient été la trahison et l’abandon.

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