Critique – Tous les vivants – C. E. Morgan – Gallimard
« Tous les vivants » est le premier roman de C. E. Morgan découverte l’an dernier avec le magnifique « Le sport des rois », finaliste du Pulitzer.
« Elle n’avait jamais vécu dans une maison et, maintenant qu’elle la voyait, elle n’était plus sûre d’en avoir envie ». C’est par cette phrase que commence l’histoire d’Aloma. Orpheline depuis l’âge de 3 ans, la jeune femme a été élevée par sa tante et son oncle qui réservaient leur affection à leurs propres enfants. Pensionnaire dans une école de la mission catholique, elle découvre le piano, instrument pour lequel elle se révèle très douée. Elle rêve de quitter ce lieu sombre pour passer sa vie sous le soleil, loin des montagnes qui cachent l’astre lumineux.
Un jour, elle rencontre Orren, élève au lycée agricole. Hormis l’attirance physique, rien ne les rapproche. Elle aspire à la liberté et à pratiquer la musique ; lui ne parle que de « la ferme qu’il posséderait un jour ». En guise de liberté et de musique, elle se retrouve dans une vaste maison qu’elle doit entretenir où se trouve un vieux piano déglingué ; lui doit reprendre l’exploitation familiale après le décès de sa mère et de son frère quelques années après celui du père.
Peu à peu les amants vont s’éloigner. Les relations sexuelles, de plus en plus brutales, seront leur seul lien.
Alors qu’elle songe à une autre vie, Orren travaille avec acharnement comme s’il avait une dette envers ses morts, oubliant que Aloma est vivante et que, n’ayant pas de famille, elle n’a pas de racines. Contrairement à lui qui ne pense qu’aux disparus et à l’héritage empoisonné qu’ils lui ont laissé.
Malgré leurs divergences, ces deux solitudes parviendront-elles à se trouver ? Je ne donnerai pas la réponse pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs de ce beau roman à l’écriture puissante, visuelle, charnelle et lyrique qui se penche sur le poids du passé. Comme elle l’a fait avec Henrietta dans « Le sport des rois », l’auteure a imaginé un personnage féminin fort confronté à des choix pour son avenir. C. E. Morgan est décidément une voix singulière de la littérature américaine.
EXTRAIT
L’âme aime davantage ce qu’elle a perdu, il s’agissait donc de tout cela, de tous ceux-là, de ceux même qui étaient morts depuis longtemps, ceux qu’il n’avait jamais rencontrés, et dont peut-être il ne connaissait même pas les noms.
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