Critique – La femme périphérique – Sophie Pointurier – Harper Collins
Tout d’abord, merci à Babelio et aux éditions Harper Collins pour cette plongée ostalgique.
Trente ans après la chute du mur de Berlin, le monde de l’art s’apprête à commémorer l’événement. Et qui mieux que l’immense peintre Peter Wolf pour incarner cet épisode qui préfigure la réunification allemande et l’explosion du bloc communiste !
Il est en effet passé, quelques mois avant la destruction du « Schandmauer », de la RDA à la RFA avec l’aide de son épouse Petra, une Allemande de l’Ouest elle aussi artiste qui peint à quatre mains avec son mari.
Bref, mettre en valeur ce symbole promet aux acteurs économiques concernés un bon retour sur investissement.
Alors qu’un éditeur français travaille sur une biographie du bonhomme, le MET, dirigé par un personnage odieux et cynique, s’attelle à la préparation d’une rétrospective des œuvres de celui-ci.
Mais le transfuge est introuvable ! Même si certains assurent l’avoir vu récemment. Illusion ou mensonge ?
Sa femme est le seul lien entre l’ex-Ossi et les quémandeurs d’interviews du disparu réputé pour son asociabilité. Sauf que la dame n’est du genre commode. Diva, chieuse, emmerdeuse, frigide, castratrice… sont les épithètes les plus usités pour la qualifier. Personne n’est prêt à lui reconnaître des talents artistiques. Et pourtant !
Si la disparition de Peter, qui mobilise toutes les énergies policières et journalistiques, est le fil rouge du récit, le roman vaut surtout pour sa description de l’artosphère, un ramassis de requins plus intéressés par leurs comptes en banque que par la création.
La primo-romancière Sophie Pointurier s’interroge, par le biais de la fiction, sur le rôle de l’artiste dans une dictature qui impose ses canons esthétiques et annihile toute liberté d’expression et les concessions nécessaires à la poursuite de ses activités que l’artiste détourne parfois avec ruse pour échapper à la censure. A moins que le régime politique sous lequel vous vivez parvienne à lire dans vos pensées (comme dans « 1984 »), vous conservez toujours une once de libre arbitre.
Mais c’est la peinture de la femme artiste incarnée par Petra qui m’a vraiment séduite. Sans verser dans la dénonciation si actuelle du patriarcat systémique, l’autrice s’amuse à imaginer un dialogue entre le patron du MET et des critiques d’art portant leurs avis « éclairés » sur l’oeuvre de Peter qualifiée de virile, de puissante, d’animale, de politiquement violente minorant de facto l’art féminin tout en douceur et intériorité. L’art a-t-il un sexe, telle est la question sous-jacente à ce roman. Quoi qu’il en soit, la réalité est que la cote des œuvres réalisées par les femmes est toujours inférieure à celle des hommes !
Cerise sur le gâteau : le tableau, souvent drôle, de la RDA dont la disparition provoqua une forme de mal du pays qu’on appela l’ostalgie marquée, entre autres, par le regret du plastique et du formica si typiques de cette époque bénie ! Même si l’Allemagne de l’Est ne fut pas la seule à détenir le monopole du moche…
EXTRAIT
Le scandale attise bien plus la curiosité que le seul amour des arts plastiques.
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