Critique – La Promesse de l’aube – Romain Gary – Gallimard
Étendu sur la plage de Big Sur en Californie où il a été nommé Consul général de France, Romain Gary se souvient.
De sa mémoire d’homme de quarante-quatre ans surgit la figure incontournable de Nina, la mère, femme admirable, fantasque, excessive, énergique, dotée d’un fort caractère et, surtout, prête à se sacrifier pour un fils en qui elle a toute confiance et pour lequel elle envisage un avenir radieux dans le pays qu’elle aime presque autant que lui : la France.
Tu seras Victor Hugo, Guynemer, ambassadeur de France, lui répète-t-elle inlassablement afin de racheter son destin d’artiste ratée.
Pour exaucer ses vœux, le garçon s’essaiera au violon, à la danse, à la peinture, au chant, à la lutte gréco-romaine, à la natation, au tennis etc.. Sans beaucoup de succès, sauf au ping-pong.
C’est dans la littérature qu’il s’épanouira. Mais avant de se consacrer à l’écriture, il aura la lourde tâche, imposée par sa génitrice, de sauver la patrie des droits de l’homme qui l’a naturalisé.
Le futur Prix Goncourt 1956 est né en 1914 à Wilno, alors situé dans l’Empire russe. Son père, marié et père de famille, a quitté sa mère peu après sa naissance.
Nina n’a qu’une obsession : s’installer en France. Faute de moyens, la mère et le fils s’installeront à Varsovie, dernière étape avant le paradis.
Même s’il ment, souvent pour ne pas blesser ou pour enjoliver le réel, même s’il triche un peu, même s’il vole et s’invente des identités littéraires, on ne peut qu’éprouver de la tendresse pour ce garçon plein de charme qui mènera sa vie avec un objectif presque unique : honorer celle qui lui donna la vie.
Même dans l’au-delà, elle continuera à lui parler, à guider ses choix et à donner à cet homme à l’âme d’enfant, fragile, sensible et miné parfois par des idées noires, la force et le courage de poursuivre le chemin qu’elle a tracé pour lui.
Comédien dans l’âme et aventurier capable de prendre des risques inconsidérés pour son pays d’adoption, frôlant la mort à de multiples reprises, Gary, idéaliste se heurtant aux réalités triviales, conscient que la perfection est inatteignable et que la solitude est le lot commun de toute l’humanité, fit de son existence un roman et de l’écriture un refuge contre les désillusions.
Certains moments sont tellement touchants que, même les lecteurs les plus endurcis auront les larmes aux yeux. Je pense à celui avec M. Piekielny, admirablement exploité par François-Henri Désérable dans un roman édité en 2017, qui demande à Romain, alors enfant, de répéter une phrase dès qu’il rencontrera « des hommes importants ». Romain tiendra parole en citant les quelques mots à l’oreille de la mère d’Elizabeth II ou encore devant de Gaulle ! Une manière pour le Juif qui périra dans un camp d’extermination de continuer à exister.
Autre épisode fort : la rencontre, à Bangui, avec Louison, seize ans et atteinte de la lèpre. À propos de l’adolescente, il écrit : « elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n’ai jamais su où aller depuis »… Quelle belle déclaration d’amour inconditionnel !
Et puis, il y a la fin, magnifique.
Malgré une petite baisse d’intensité dans la seconde partie, « La promesse de l’aube » est une tragi-comédie poignante teintée d’un humour désabusé et un cri d’amour bouleversant à une mère, la seule femme qui lui fut fidèle au-delà de la mort.
EXTRAITS
- Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais.
- On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné.
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