Critique – Mungo – Douglas Stuart – Globe
Après le remarquable et remarqué « Shuggie Bain », justement auréolé du Booker Prize en 2020, Douglas Stuart allait-il pouvoir s’affirmer comme une voix qui compte dans le paysage littéraire britannique ?
Avec « Mungo », son second roman, il le prouve magistralement.
Même si le récit se déroule en Écosse dans les années 1990 versus les années Thatcher dans le premier opus, Mungo Hamilton est bien le double de Shuggie Bain.
Adolescent apparemment sans histoires, Mungo est un gentil garçon. Plutôt beau gosse, il est néanmoins ravagé par des tics nerveux, stigmates de ses souffrances. Il a un frère et une sœur.
Chaque membre de la fratrie a grandi sans modèle et a réagi différemment face à une mère irresponsable, manipulatrice et alcoolique.
C’est la violence que Hamish, chef d’un gang de protestants qui ne pense qu’à en découdre avec ses ennemis catholiques, a choisie. Quant à Jodie, douée pour les études, elle ne songe qu’à quitter l’environnement familial délétère. Mungo est le seul à défendre l’adolescente attardée qu’est sa génitrice et à l’aimer.
C’est au bord d’un loch que s’ouvre le roman. Mo-Maw (elle ne veut pas qu’on l’appelle maman, ça la vieillit) a confié son cadet à deux types frappadingues, confits dans l’alcool et sans aucune morale. Leur mission est de faire de Mungo un homme. À défaut d’être virilisé, l’adolescent va vivre un cauchemar.
Pourquoi la mère veut-elle l’endurcir ? Parce que Mungo préfère les garçons. C’est en effet dans les bras de James qu’il va découvrir la tendresse et s’éveiller à la sensualité. Si les difficultés à vivre une sexualité marginale sont patentes dans les années 1990, elles sont exacerbées dans l’East End, ce quartier de Glasgow peuplé de chômeurs, anciens ouvriers des chantiers navals mis au rebut par une politique néolibérale qui mènera à une désindustrialisation du pays.
Dans une langue fulgurante et vibrante, avec des personnages de chair, Douglas Stuart a composé le récit cruel de l’enfance brisée et de l’innocence bafouée sur fond de drame social et de haines religieuses.
Magnifique !
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