Critique – Zemmour contre l’histoire – Tracts – Gallimard

Critique – Zemmour contre l’histoire – Tracts – Gallimard


Dans la lignée des « Tracts de la NRF » dans lesquels sévissaient des auteurs aussi prestigieux que Jean Giono, Thomas Mann ou encore André Gide, Gallimard a lancé une collection éponyme qui propose de mieux comprendre le monde qui nous entoure, non pas via des informations tronquées, mais avec l’éclairage des sciences humaines.

Dans son numéro 34, la revue s’attaque au cas Éric Zemmour, maître dans l’art de déformer, au profit de son idéologie délétère, l’histoire de France.

Pour démystifier le discours du journaliste, improvisé candidat à l’élection présidentielle de 2022, la maison d’édition a fait appel à des historiens qui se sont emparés de dix-neuf thèmes ressassés par l’extrémiste de droite pour mieux les déconstruire.

Attester que « Zemmour se sert de l’histoire pour légitimer la violence et l’exclusion, pour promouvoir une vision raciste et misogyne de l’humanité » est un projet salutaire pour la défense des valeurs de notre République.

Parmi les affirmations tronquées proférées par l’essayiste, on peut citer les chapitres suivants :

  • « 1099 – La croisade n’est pas une victoire française »

Sur ce point, Zemmour réécrit le récit des croisades à son avantage. Il évoque la première croisade, celle de 1095, comme un moyen de sauver « l’Europe chrétienne » alors que celle-ci n’était absolument pas menacée par une supposée « vague islamique ».

Autre erreur : en présentant la croisade comme une victoire française, il ne distingue pas, en toute connaissance de cause, les Francs des Français et omet de préciser que les croisés parlaient des langues différentes et venaient de pays divers.

Il est aberrant « de plaquer sur le XIème siècle des identités qui n’existaient pas à l’époque » !

  • « 1572 – Les victimes ne sont pas les bourreaux »

Là encore, le polémiste réinvente le présent à l’aune du passé. Il fait ainsi un parallèle étonnant entre les protestants et les musulmans en pointant des convergences entre le « fondamentalisme » des huguenots, « persécuteurs de catholiques » et les islamistes…

  • 1789 – La révolution française n’est pas un complot

Selon le pamphlétaire, la Révolution française, « catastrophe sanguinaire », aurait été fomentée par les sociétés de pensée comptant, dans ses rangs, des philosophes et des francs-maçons.

Cette vision complotiste nie le poids des « masses populaires » dans le processus insurrectionnel.

  • « 1796 – Il n’y a pas de génocide vendéen »

Les auteurs précisent opportunément la définition du terme génocide qui « suppose une intention d’extermination d’une population définie. Or, les « Vendéens » d’Éric Zemmour ne formaient pas un groupe national, ethnique et religieux ». D’autre part, « il existait bel et bien une Vendée patriote ».

L’argument de faire des Vendéens un « peuple » vent debout contre la Révolution est fallacieux.

  • « 1830 – Les Français n’ont pas fait l’Algérie »

Dire que l’Algérie était une terre vierge avant l’arrivée des Français en 1830 est une affirmation très répandue.

En ce début de dix-neuvième siècle, ce qui deviendra l’Algérie est une « province de l’Empire ottoman autonomisée ».

À l’argument qui consiste à dire que la colonisation a permis le développement économique du pays, les auteurs rétorquent : « l’industrie est inexistante, le sous-emploi chronique dans les campagnes, la misère généralisée ».

  • Chapitres sur Pétain

Lorsqu’il a aspiré à se présenter à la dernière élection présidentielle, Zemmour a vainement tenté de réhabiliter la figure de Pétain. En effet, ses arguments ne tiennent pas.

Affirmer que le maréchal aurait sauvé les juifs français est un leurre. « Si les trois quarts des juifs ont survécu en France, ils le doivent d’abord et avant tout à l’aide de la population… ».

Le chiffre éloquent de 24 000 juifs français déportés sur 74 150 se passe de commentaire…

  • Zemmour et les femmes…

En bon machiste qui considère « qu’on ne devient femme que parce qu’on est née femme », le plumitif se complaît dans le dénigrement de l’un des symboles du féminisme : Simone de Beauvoir. Il a même commis, en 2006, un livre intitulé « Le Premier sexe », pied de nez au « Deuxième sexe » de la philosophe.

Dans cet opuscule, il assure que celle-ci « n’est rien sans les hommes de sa vie » que furent son père et Sartre. Comme si une femme « ne saurait penser par elle-même »…

« Zemmour contre l’histoire » m’a laissée un peu sur ma faim. J’aurais aimé qu’il approfondisse d’autres thématiques soutenues

en toute impunité, ou presque, par le « chef » du mouvement « Reconquête ». Mais la loi du genre, faire court, a obligé les auteurs à faire une sélection forcément non exhaustive.

EXTRAIT

-Une des plus manifestes trahisons du passé est d’attribuer aux gens que l’on étudie des motivations qui ne sont pas les leurs pour servir une cause politique.

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