Critique – Le monde selon Garp – John Irving – Seuil

Critique – Le monde selon Garp – John Irving – Seuil


Résumer un roman aussi touffu et foisonnant que « Le monde selon Garp » relève de la gageure. Considéré comme culte, ce premier « succès » est un condensé des obsessions de John Irving.

S.-T. Garp est né d’une relation expéditive entre le Sergent-Technicien éponyme, dont S.-T. est l’acronyme, et de Jenny Fields. Elevée dans une famille bourgeoise pour laquelle le destin d’une femme est d’épouser un bon parti et de s’occuper de son foyer, cette dernière choisit un autre chemin. Adoptant une position courageuse pour l’époque (les années 1940 aux Etats-Unis), elle devient infirmière. Elle veut un enfant mais pas de mari. Le meilleur moyen de réaliser son rêve est de copuler avec un soldat mourant… Ce sera son unique relation sexuelle. Jenny a une autre ambition : écrire. Celle qui sera considérée, sans le revendiquer, comme une féministe et sera adulée par des milliers de femmes révoltées par le machisme général, publie Sexuellement suspecte, une autobiographie qui résume sa philosophie de la vie et son dégoût pour la concupiscence.

C’est auprès de cette mère protectrice et au caractère bien trempé que grandit le jeune Garp qui, lui aussi, se destine à l’écriture. C’est à Vienne où il fréquente des prostitués qu’il écrit sa première nouvelle incluse dans le roman, La pension Grillparzer, où l’on retrouve un ours, animal récurrent dans l’oeuvre d’Irving. C’est dans cette ville de la Mitteleuropa que Garp découvre la liberté. De retour dans le New Hampshire, il épouse Helen, la fille de son professeur de lutte, avec laquelle il aura deux enfants., Duncan et Walt, qu’il n’aura de cesse de vouloir protéger comme sa mère l’a préservé du monde extérieur. Parallèlement à son occupation de père fin cordon bleu, il accouche de textes aussi farfelus que Le second souffle du coucou qui met en scène deux couples dont chaque membre est atteint de handicaps aussi désagréables qu’une flatulence chronique ou encore de spasmes du bras droit…

En compagnie de Garp, ce personnage si attachant, nous rencontrons des personnages hauts en couleur, à l’instar de Roberta, une transsexuelle, la meilleure amie de sa mère et la sienne aussi.

Avec lui, nous parcourons plus de trente de l’histoire des Etats-Unis et la naissance d’un féminisme des années 60-70 dont l’auteur moque gentiment les dérives en les caricaturant. Les Ellen-Jamesiennes, groupe de femmes qui se sont coupé la langue en soutien à Ellen James, victime de viol, sont une parodie d’un mouvement émancipateur qui considère l’homme comme l’ennemi.

On le voit, Le monde selon Garp est un récit foutraque qui aborde des thèmes aussi différents que le sexe, la mort, la difficulté d’être un homme dans un monde où les femmes s’affirment de plus en plus. Si les sujets ne sont finalement pas originaux car tout a déjà été dit, c’est la construction et, surtout, la puissance de l’imagination de l’auteur qui en font un grand roman, une tragi-comédie qui nous laisse envahi par une impression de mélancolie.

EXTRAIT

– Dans ce monde à l’esprit sordide, écrivit Jenny, une femme est toujours soit l’épouse, soit la putain d’un homme (…).

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