Critique – L’homme est un Dieu en ruine – Kate Atkinson – JC Lattès
Né en 1914 dans une famille de la bourgeoisie rurale, Teddy est l’enfant préféré de sa mère Sylvie, une pianiste fantasque comme l’est sa tante Izzie, une écrivaine qui fait de son neveu le modèle des « Aventures d’Auguste ».
Rien ne prédestinait cet amoureux de la nature à s’engager dans la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors que ses camarades meurent sous les assauts de l’ennemi, il en réchappe (grâce au lièvre en argent porte-bonheur que lui offert sa sœur Ursula ?) et se donne pour ligne de conduite de ne plus jamais faire de mal à personne (quelle gageure!), lui qui, en lançant des bombes sur des villes allemandes, fit de nombreuses victimes civiles dont il ne connaîtra jamais l’identité.
Au-delà de l’histoire de Teddy que l’on suit de 1925 à 2012 de manière non linéaire avec, en toile de fond, la description des mutations sociétales (il y a des pages savoureuses sur la période hippie), « L’homme est un Dieu en ruine » est une vaste fresque familiale drôle, émouvante, nostalgique du temps qui passe peuplée de personnages forts : la raisonnable Nancy, son « amoureuse d’enfance » qu’il épouse ; Viola, sa fille unique, un être insupportable qui devient touchant quand on découvre un événement qui a marqué son enfance (elle avoue « être de l’autre côté du bonheur depuis le début de sa vie ») ; Sunny, le fils de cette dernière qu’elle abandonne à son horrible belle-famille qui l’élève à la dure et que son grand-père va « sauver ». Et puis il y a les chiens, présences rassurantes qui vont accompagner Teddy tout au long de sa longue vie.
On aurait aimer passer encore un peu plus de temps avec Teddy, l’homme qui pleure à l’intérieur mais qui ne peut cacher ses cauchemars, personnage épatant, tolérant, profondément seul avec ses secrets qui passera sous silence « sa » guerre pour ne pas importuner son entourage. Mais les meilleures choses ont une fin…
Signalons que « L’homme est un Dieu en ruine » est le pendant masculin d’ « Une vie après l’autre » qui mettait en scène Ursula, la sœur de Teddy. Là aussi, Kate Atkinson montrait son talent pour les retournements de situation et son goût pour la manipulation qu’autorise la fiction.
EXTRAITS
- Il aimait Viola comme seul un parent peut aimer un enfant, mais la tâche était rude.
- Ecologie ? S’interrogea Teddy. La nature, répondit-il. Autrefois, on l’appelait la nature.
- La tragédie de la vie, c’était la mort.
- Avec le temps et les années qui passaient, on se rendait compte que la distinction entre réalité et fiction n’avait pas grande importance, parce que, pour finir, tout disparaissait dans le fatras mémoriel, la bouillie de l’histoire.
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.
+ There are no comments
Add yours