Critique – Vera – Karl Geary – Rivages
Avant de « chroniquer » ce premier roman de Karl Geary, deux petites remarques à l’attention de l’éditeur : la couverture est particulièrement laide et le résumé figurant sur la quatrième de couv. ne donne pas vraiment une idée exacte du contenu.
Sonny a 16 ans. C’est un bon gamin peu doué pour les études et un brin voleur. Après l’école (quand il y va), il travaille dans une boucherie. Le soir, il retrouve sa famille où la télévision hurle, où les livres n’ont pas droit de cité, où le père, figure poignante sans cesse houspillée par sa femme parce qu’il dépense son salaire dans les paris, où la mère passe ses journées dans sa cuisine à éplucher quelques pauvres légumes. Devenir ouvrier et fricoter avec la vulgaire Sharon, voilà son horizon.
Quand il croise le regard de Vera, une femme plus âgée que lui qui vit dans les beaux quartiers de Dublin, il est comme fasciné pas sa beauté et son raffinement. Peut-on pour autant parler d’amour ? Est-ce Vera qu’il aime ou plutôt le monde élégant et cultivé dans lequel elle évolue alors que son milieu d’origine ne propose rien d’autre que d’assouvir les besoin les plus primaires. Sauver cette femme dépressive n’est-elle pas aussi une manière de donner un sens à une vie bien banale ? Entre rejet de sa vie d’avant et attirance pour Vera, Sonny est confronté à un dilemme propre à un âge où on se cherche une identité en chassant ce qui vous a construit et où on idéalise l’amour.
Roman d’initiation où Sonny, garçon sensible, s’éveille à la sensualité et vit une parenthèse enchantée, « Vera », avec l’utilisation de la deuxième personne du singulier qui souligne l’impossibilité du personnage principal de dire « je », est un très joli roman empreint d’une grande tristesse qui, avec délicatesse, suggère le mystère de la relation entre un jeune homme un peu perdu, solitaire et sensible et une femme d’âge mûr désespérée. C’est cette absence d’explications de la part de l’auteur qui donne toute latitude au lecteur de puiser dans son imagination et c’est plutôt agréable.
EXTRAITS
- Tu n’avais jamais possédé de livre, et celui-ci était un bon livre, tu en était sûr, à cause de ses pages abîmées à force d’être tournées, et de cette odeur d’ambre.
- Ta mère avait sans doute raison : les livres n’étaient pas pour les garçons qui découpaient de la viande.
- Tu menais une vie ordinaire et sans envergure, tu le savais très bien.
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