Critique – Fracture(s) – Lidwine van Lancker – Livres agités

Critique – Fracture(s) – Lidwine van Lancker – Livres agités


L’exergue (« Je m’appelle Arthur, j’ai quinze ans et je vais tous les tuer ») pourrait faire penser qu’on s’apprête à lire un polar ou un thriller, une impression confirmée par le premier chapitre où Arthur contemple le corps sans vie de Vincent, un bracelet électronique à la cheville. Dans la même pièce, un garçon tremble…

Après cette mise en scène macabre, plutôt alléchante et mystérieuse, l’autrice nous entraîne dans les mois qui l’ont précédée et à la rencontre entre Arthur et Côme. Le premier est ébloui par la beauté, l’assurance et l’allure du second qui exhalent ses origines sociales. Côme est en effet le rejeton du patron de la clinique locale.

A contrario, Sabine, la mère d’Arthur est caissière et élève seule son fils. Ayant des rêves d’élévation sociale pour lui, elle l’a scolarisé dans un collège privé où ses différences heurtent le petit milieu bourgeois dont Côme fait partie.

C’est avec la boule au ventre qu’Arthur se rend dans l’établissement scolaire. Heureusement qu’il y a son « ami » Côme qu’il attend chaque matin devant la demeure familiale comme un chien attend son maître. Côme est en effet un manipulateur qui profite de l’admiration qu’il lui porte pour dealer sans prendre de risque.

« Fracture(s) » est un roman social qui décrit la faille irréductible entre les classes, le mépris des riches pour les pauvres mais aussi l’impossibilité pour ces derniers d’espérer sortir de leur condition, marqués qu’ils sont du sceau de la médiocrité et de la laideur. Tout est abject chez eux : leurs lieux de vie avec des immeubles sans balcon cernés de zones commerciales aux couleurs criardes ; leurs vêtements informes ; la nourriture grasse qu’ils ingèrent ; leurs odeurs : leurs manières. Bref, avec sa vision manichéenne (les riches sont tous pourris) et misérabiliste (les pauvres n’ont aucun espoir d’ascension sociale), Lidwine van Lancker ne fait pas dans la dentelle.

Heureusement que tous ces « minables » ont les manifestations (on pense bien sûr à la mobilisation des gilets jaunes) non seulement pour crier leur colère face à la baisse de leur pouvoir d’achat et au manque de considération des politiques mais aussi pour trouver un peu de solidarité et de chaleur humaine.

À partir de la page 157, le récit bascule dans le polar avec un suspense bien entretenu jusqu’à la fin. L’événement dont je ne révélerai pas la teneur a un effet vertigineux sur Arthur.

Ce sont les soixante dernières pages qui, selon moi, sont les plus intéressantes de ce premier roman plutôt bien construit, rythmé et à l’écriture fluide (chapitres courts, phrases brèves) mais sans caractère qui dégage une impression de déjà-lu et dont le fond pèche par sa binarité.

L’adolescence, ce moment de la vie où tout peut basculer, est en revanche bien saisie : la quête d’une identité, les premiers émois amoureux, l’importance de l’amitié, le besoin de reconnaissance de ses pairs, la révolte contre la société et les parents, le comportement destructeur…

Sauf qu’Arthur, à l’instar des autres personnages, ne m’a pas touchée.

EXTRAIT

– Côme est un comme un soleil. Trop l’aimer peut faire mal à en décoller la peau.

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