Critique – L’absente – Lionel Duroy – Julliard

Critique – L’absente – Lionel Duroy – Julliard


Dans « Le chagrin » (2010) qui retraçait plus de soixante années de la famille Dunoyer de Pranassac, Lionel Duroy s’était intéressé à la figure de Toto, le père, pour lequel, malgré tous ses manquements, il éprouvait une certaine tendresse. Il avait moins d’égards pour la mère, alias « la salope », mélange de Folcoche névrosée et d’Emma Bovary neurasthénique.

Qu’est-ce qui le pousse alors, six ans plus tard, à essayer de comprendre cette femme, de percer les secrets de son comportement et le mystère de sa perpétuelle colère ? Probablement sa propre situation personnelle qui le rapproche de celle qu’il a tant aimé détester.

Augustin, double fictionnel de l’auteur, vient de divorcer et doit se séparer de sa maison adorée (la mère, elle, avait dû quitter son appartement de Neuilly pour un HLM). Il embarque alors dans sa vieille Peugeot, ses deux vélos sur le toit, la « Traviata » interprétée par Maria Callas en fond sonore, ses affaires personnelles et de nombreuses photos figeant le passé à la recherche d’une nouvelle demeure où il pourra accueillir ses enfants. De la Bretagne à Verdun, où il fait de belles rencontres, il glisse finalement vers le Sud-Ouest à Cestas où sa génitrice a grandi. Le retour aux origines va-t-il l’aider à sortir de sa dépression et à écrire un roman dont les personnages principaux seraient Suzanne et lui-même ? Comme une tentative de rapprochement entre la mère et le fils qu’il ne ménage pas. Celui-ci est tellement pathétique et pitoyable qu’il en est souvent drôle. Se délecter du malheur des autres est en effet l’une des activités préférées de l’humanité. Comme pour éloigner sa propre infortune…

Lionel Duroy nous touche avec ce personnage paumé marqué par une enfance sans amour et deux mariages ratés et qui trouvera peut-être dans la littérature une forme de rédemption, une tranquillité et une acceptation de son identité familiale.

Comme le rappelle son dernier roman « Nous étions nés pour être heureux », il aurait enfin trouvé une forme d’apaisement.

EXTRAITS

  • Il a toujours su qu’il tenait le livre quand il en découvrait la première phrase, comme si les milliers de mots à venir se pressaient en elle. Mais quelle phrase pourrait contenir l’épais mystère de la mère ?
  • Ecrire te rendra inaccessible à la bêtise et à la cruauté du monde.

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