Critique – Les cigognes sont immortelles – Alain Mabanckou – Seuil
Avec « Les cigognes sont immortelles », Alain Mabanckou reprend le fil de son histoire personnelle et du pays où il est né et dont il est interdit de séjour depuis 2015.
Le petit Michel, alter ego de l’auteur, est désormais un adolescent qui vit avec Maman Pauline et son compagnon Papa Roger, bigame au grand cœur qui s’occupe du garçon comme s’il était la chair de sa chair.
A Pointe-Noire, on perçoit, via la radio officielle La Voix de la Révolution Congolaise, l’écho de la fureur qui sévit à Brazzaville, la capitale. Depuis l’indépendance de 1960, la République du Congo s’est engagé dans la voie d’un rapprochement avec l’URSS et la Chine. Mais Marien Ngouabi vient d’être assassiné. Conditionné par des années de lavage de cerveau, le peuple ressent ou simule de la tristesse. Seule la mère, avec sa franchise qui frise la témérité, se moque de la politique et de la mort du chef. D’autant plus que son frère est impliqué dans le meurtre.
Alors que la nation est en ébullition, Michel passe une bonne partie de son temps à rechercher Mboua Mabé, son chien, qui a fui à l’annonce du décès du « camarade président » ce qui lui vaut d’être taxé d’ennemi du socialisme par Roger ! Par la voix de son double fictionnel, Alain Mabanckou creuse l’histoire de son pays où l’autodérision se mêle à l’hypocrisie, où les représentants de la nomenklatura bénéficient de privilèges exorbitants au détriment du petit peuple en souffrance, où les ethnies ne parviennent toujours pas à s’entendre…
Mêlant l’intime à l’histoire la plus tragique, il a composé un délicieux récit plein d’humour servi par une langue truculente, savoureuse, colorée mi-parlée, mi-littéraire.
Alain Mabanckou est un magicien des mots. Un griot !
EXTRAITS
- Elle dit que ce n’est pas bien de manger en écoutant de la musique soviétique sinon on ne va pas apprécier le goût de la nourriture. En plus, lorsqu’on est à table il vaut mieux ne pas savoir ce qui se passe dans le monde, comme ça si on annonce un malheur ce sera trop tard, on aura déjà bien mangé et bien roté.
- La sagesse nous apprend que lorsqu’on coupe les oreilles, le cou devrait s’inquiéter.
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