Critique – Les simples – Yannick Grannec – Anne Carrière

Critique – Les simples – Yannick Grannec – Anne Carrière


Nous plonger avec pertinence au cœur d’une communauté religieuse du sud de France n’était pas une chose aisée. Yannick Grannec a pourtant réussi le pari de nous faire vivre à la fin du 16ème siècle à l’abbaye de Notre-Dame du Loup où le quotidien est rythmé par les matines, tierces et autres complies. Mais prouver son amour à Dieu n’est pas la seule activité des moniales qui, grâce aux connaissances en herboristerie de sœur Clémence, la doyenne, font un juteux commerce de remèdes concoctés avec des simples, « plantes médicinales utilisées telles qu’elles sont fournies par la nature ».

Tout pourrait être idyllique si les pires travers de la nature humaine n’étaient prêts à surgir. Malgré la main de fer de l’abbesse, les rivalités et les jalousies s’aiguisent. Et la menace vient aussi de l’extérieur. Envieux de l’indépendance des Bénédictines octroyée par le roi, Jean de Solines, l’évêque de Vence prépare en effet un plan machiavélique pour les anéantir.

Je n’en dirais pas plus.

Reposant sur une solide documentation, ce récit décrit une époque très mouvementée pour le catholicisme secoué par la Réforme. Heureusement que l’Inquisition veille au grain pour remettre tout le monde dans le droit chemin. Avec des méthodes radicales !

Grâce au talent de conteuse de Yannick Grannec, véracité historique ne rime pas avec austérité. Avec son sens du romanesque, elle fait intervenir des personnages hauts en couleur qui donnent chair à son propos. Et l’humour se glisse souvent dans les dialogues crus, parfois anachroniques, et les situations rocambolesques frôlant l’hystérie collective. L’auteure se moque allègrement des religieux : ceux qui vivent dans la crainte de Dieu et du Malin et ceux qui, sous couvert de faire respecter les dogmes du catholicisme, ne pensent qu’à leur intérêt personnel et vivent comme de bons bourgeois en enfreignant les règles qu’ils imposent aux autres.

« Les simples » est une belle réussite qui, mine de rien, nous rappelle aussi combien la condition des femmes à cette époque dépendait du bon vouloir des hommes qui les considéraient comme des sorcières et des suppôts de Satan.

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