Critique – Pour Britney – Louise Chennevière – P.O.L.

Critique – Pour Britney – Louise Chennevière – P.O.L.


Comme elle l’a confié dans ses interviews, c’est en lisant l’autobiographie de l’une des icônes pop de la fin du siècle précédent et du début de l’actuel qu’est venu à Louise Chennevière le besoin pressant d’écrire sur celle qui a bercé son enfance avant qu’elle ne la rejette comme si l’aimer était honteux.

Elle participait ainsi au mouvement général de mépris pour la chanteuse dont elle mimait les déhanchements provocants à l’âge de huit ans, sans savoir ce qu’ils représentaient pour les adultes, à savoir une hypersexualisation du corps, un corps auquel était réduite Britney Spears.

C’est ce constat que fait l’autrice des années plus tard après s’être aussi nourrie des livres de la Québécoise Nelly Arcan qui s’est prostituée pour financer ses études et suicidée « de n’en plus pouvoir d’avoir été faite femme », de n’avoir été qu’un objet de désir dans le regard des hommes.

En entrecroisant les destins de la chanteuse et de l’autrice auxquels elle ajoute des références personnelles sur lesquelles, on le comprend à demi-mot, elle reviendra, Louise Chennevière interroge avec une grande intelligence qui fait penser à Neige Sinno et à son remarquable « Tigre » ce que veut dire être une femme, sur la culpabilité qui pèse sur le sexe dit faible responsable de susciter la concupiscence, sur la violence qui ne s’exprime pas nécessairement par des coups mais à bas bruit.

Et ce, quoi qu’elle fasse : qu’elle soit vierge ou pute, qu’elle s’habille sagement ou qu’elle arbore une jupe trop courte, un décolleté trop plongeant, qu’elle ne se maquille pas ou qu’elle plaque sur sa bouche un rouge à lèvres tape-à-l’œil, qu’elle soit trop grosse ou trop mince, qu’elle sourie ou qu’elle fasse la gueule…

Quoi qu’elle fasse, son comportement sera scruté, analysé, épié, l’empêchant d’être ce qu’elle a envie d’être à cause des injonctions que la société lui impose depuis toujours, depuis qu’elle est soumise.

Louise Chennevière se rappelle les réflexions des adultes lui reprochant, lorsqu’elle était enfant, de montrer sa culotte. Mais, si la culotte existe dans sa suggestivité mal placée, c’est parce que quelqu’un la regarde.

Plus loin, elle se souvient de la paire de cuissardes qu’elle avait achetée en pensant qu’elle ne manquerait pas d’essuyer des réflexions du genre : « ça fait pas un peu pute ? ».

Entre essai engagé féministe et récit de l’intimité, « Pour Britney » est un livre percutant dont la narration nerveuse faite de longues phrases à la ponctuation chahutée est un écrin sur mesure pour exprimer le cri de colère de l’autrice et la demande de pardon qu’elle formule à Britney, symbole de l’innocence bafouée, pour s’être moquée d’elle.

EXTRAITS

  • C’est une drôle de chose que l’enfance, c’est, la chose la plus loin et peut-être, la plus proche.
  • Être une jeune fille ça veut dire que tout ce que l’on fait signifie toujours quelque chose qui, nous dépasse et qu’il y aura toujours quelqu’un pour mal interpréter.
  • Quand le comprendra-t-on enfin, que la violence n’a pas besoin d’être manifeste pour être profonde et pour miner le corps et la tête.
  • On ne se tire jamais du dégoût de soi quand il nous a été si intimement enseigné.
  • Le vieux pervers n’est pas un individu particulier mais, une manière de voir qui circule partout.
  • Chaque jour des femmes finissent par mourir d’avoir été faites femmes.
  • Elle qui se tuera d’avoir voulu être une image qui fait bander.

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