Critique – Que faire de la beauté ? – Lucile Bordes – Les Avrils

Critique – Que faire de la beauté ? – Lucile Bordes – Les Avrils


Après quinze années d’abstinence dans l’écriture, Félicité se remet à la tâche pour offrir à un certain Eddie une longue litanie et un cri de rage.

Avec un titre interrogatif et un prologue énigmatique, le roman de Lucile Bordes a excité mon appétit de lecture. Il s’ouvre en 2018. Félicité vit alors au Bas-Pays, là où les hommes, ceux « qui bute(nt) les orangs-outangs », sévissent.

Mais,comme elle fait partie de cette espèce qui détruit tout, elle se sent complice des actes commis au nom d’une soi-disant supériorité sur la nature. Le poids de la culpabilité la pousse à quitter ses semblables pour rejoindre le Haut-Pays, sorte de réserve préservée où nous la retrouvons, en pleine communion avec son environnement, vingt-cinq ans plus

tard. Là où elle a échappé à une société proche de celle décrite par George Orwell il y a plus de soixante-dix ans.

Par la voix de Félicité, Lucile Bordes nous livre une réflexion salutaire sur l’utilité de l’écriture, et de l’art en général, à l’heure des urgences climatique, migratoire et sociale (rappelons que Théophile Gautier écrivait : « Tout ce qui est utile est laid »). Le roman engagé et dérangeant a-t-il encore un avenir dans une société prise d’une frénésie d’hyperactivité ? A contrario, la « littérature-brushing », « gentille, lisse et polie » aurait de beaux jours devant elle. Comme un pansement sur nos névroses…

Si j’ai apprécié la belle écriture, entre gouaille et lyrisme, de l’autrice ainsi que l’intelligence de son constat sur l’éloignement de l’homme de la nature comme s’il y était étranger, alors qu’il lui appartient au même titre que les oiseaux, les arbres et les pierres, j’avoue que j’ai été parfois un peu perdue et un peu perplexe face à un afflux de redondances. Mais c’est un peu la loi du genre, celui de la fiction engagée.

Ce roman fait partie de la sélection 2022 du Prix des lecteurs de l’Armitière.

EXTRAITS

  • La folle écrit pour les hommes du futur des histoires de maintenant.
  • Tout est data depuis longtemps.
  • J’ai laissé au Bas-Pays le travail de la beauté à sauver chaque jour. Ici elle est indiscutable.

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