Critique – Un Afghan à Paris – Mahmud Nasimi – Les Éditions du Palais
Dans la préface qu’elle lui consacre, la philosophe Ayyam Sureau se demande pourquoi Mahmud Nasimi a opté pour le français plutôt que pour le dari afin de composer le récit de sa vie.
Comment traduire au mieux ses états d’âme dans une autre langue que celle de la mère, celle qui est a priori la mieux à même de se raconter parce qu’elle a structuré votre pensée ?
Dans sa réponse, le jeune auteur assure que le français, grâce à la richesse de sa littérature, a révélé chez lui des sensations, nouvelles et anciennes, sur lesquelles il ne pouvait mettre des mots.
C’est la raison pour laquelle, dans son récit, Mahmud Nasimi pratique des allers et retours entre sa vie à Paris et celle d’avant, avant que son pays natal ne sombre dans la terreur et l’obscurantisme.
Menacé par le régime des Talibans, Mahmoud Nasimi fuit l’Afghanistan en 2013, abandonnant « études, amis, famille, amour »… Il arrive à Paris après quatre éprouvantes années d’errance. Mais l’accueil qui lui est réservé dans la capitale du pays des droits de l’homme n’est pas à la hauteur de notre tradition d’hospitalité souvent revendiquée.
À son arrivée, l’accablement le saisit. Il pense ne plus « jamais vivre normalement » et c’est la lecture et l’écriture qui vont extirper « l’emprise douloureuse et inutile » qui l’emprisonne pour lui permettre de trouver « la consolation, l’espérance, la paix… ».
Par la grâce de la littérature, outil de résilience s’il en est, il va passer du statut de réfugié perdu dans un pays et une culture inconnus à un modèle d’assimilation.
C’est dans le cimetière du Père-Lachaise qu’il a la révélation que, à côté de la rue et de son indifférence, un autre monde existe« Un sentiment doux et paisible » l’envahit en effet avant qu’il ne « tombe » sur la sépulture de Balzac. Celui-ci ne sera pas le seul mort à lui parler. Suivront Baudelaire, Maupassant, Duras…
Trop beau pour être vrai ? On a en effet un peu de mal à comprendre pourquoi cet homme aime tant la France alors qu’il a dû passer plus de trois semaines devant « l’office chargé de l’enregistrement des demandeurs d’asile, à attendre avec plus de deux cents réfugiés », qu’il a subi le regard méprisant des ronds-de-cuir, qu’il a été confronté aux regards fuyants de ceux qui le prenaient pour « un mendiant ou un voleur »…
Sans oublier la peur et la souffrance d’avoir abandonné les siens.
Il y a eu néanmoins de belles opportunités et de belles rencontres qui atténuent le sombre portrait d’une France fermée à l’étranger. Une association l’a aidé à apprendre « la langue de Molière », une famille de Français et une communauté de religieux âgés l’ont accueilli, des amitiés se sont nouées…
On ne peut qu’être impressionné par l’impeccable maîtrise, par l’auteur, d’un français académique bien léché que presque plus personne ne pratique.
D’autant plus que, bien qu’issu « d’une famille ouverte et éduquée », Mahmud n’avait jamais été attiré par les livres. Il confie même en avoir été allergique ! Il tient certainement de son milieu d’origine et de sa formation en droit et en sciences politiques une curiosité et une soif d’apprendre.
Ce constat fait, le récit souffre précisément du soin apporté à l’écriture qui affaiblit la puissance du message.
Il n’en reste pas moins que « Un Afghan à Paris », cri d’amour à la France, ode à la littérature et leçon d’optimisme, est un témoignage essentiel qui nous fait prendre conscience de l’ignominie de la condition des migrants et de notre indifférence à leur égard. Car, tous n’ont pas la force de caractère du narrateur !
Attendons le prochain livre de Mahmud Nasimi pour voir s’il est capable d’inventer des histoires autres que la sienne et de les façonner dans un style qui lui serait propre et non issu de ses multiples lectures.
EXTRAIT
Mais quand j’ouvre un livre, un rayon de soleil illumine mon cœur.
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