Critique – Les occasions manquées – Lucy Fricke – Le Quartanier

Critique – Les occasions manquées – Lucy Fricke – Le Quartanier


À quoi reconnaît-on un(e) ami(e) ? À ce qu’il(elle) accourt quand on lui lance un appel au secours. C’est ce qui arrive à Martha et à Betty. Encombrée par un père agonisant qu’elle a peu connu et qui souhaite mourir dans la dignité dans une clinique suisse, la première demande de l’aide à la seconde.

Commence alors un périple extravagant qui emmène le trio improbable de Berlin à la Grèce en passant par le pays du chocolat et l’Italie sur les traces d’Ernesto, l’un des nombreux amants de la mère de Betty, que celle-ci a toujours considéré comme un père et dont le départ subit l’a bouleversée.

Dans le registre des tragi-comédies sur le mode « quadragénaires désespérées », « Les occasions manquées » est un archétype du genre, limite fourre-tout, mais qui fonctionne grâce à une construction efficace, un humour décapant, des dialogues savoureux et des personnages attachants. J’avoue une petite préférence pour Kurt, le père de Martha, un modèle de rédemption et d’abnégation.

Au mitan de leurs vies, les deux amies, pleines d’états d’âme et de regrets, font le bilan de leurs quatre décennies d’existence.

Côté Betty, la narratrice-écrivaine au bout du rouleau et en panne d’inspiration, la solitude, que les antidépresseurs ne guérissent pas, fait office de compagne, les rides suscitent la désolation et la beauté se conjugue au passé.

Côté Martha, rongée par la culpabilité d’avoir provoqué la mort d’un ami dans un accident de voiture, l’horloge biologique tourne à toute vitesse. Après avoir reporté maintes et maintes fois sa séparation d’avec Henning, elle l’a finalement épousé et s’entête à concevoir un enfant.

Pour tenter de rafistoler leur accablement et l’omniprésence de la mort, surtout celle des pères, toutes deux carburent volontiers au whisky !

En 270 pages, Lucy Fricke fait passer ses « héroïnes » du désenchantement à l’espoir, un espoir entretenu par une quête. Que celle-ci soit d’un père ou d’autre chose n’a pas d’importance. L’essentiel est de se fixer un but. Juste pour que la vie ait un sens et ne soit plus qu’une succession de jours sans saveur et d’échecs. Juste pour retrouver un peu de l’innocence de l’enfance. Juste pour se réconcilier avec soi-même…

Mine de rien, le premier roman traduit en français de l’Allemande Lucy Fricke a tout d’un conte au pessimisme joyeux dans lequel les victoires contre les obstacles sont autant d’occasions de grandir. Pour mieux « tromper la mort »…

EXTRAITS

  • Devenir adulte se résumait à deux choses : la naissance du premier enfant et la mort des parents.
  • On n’était jamais isolé, mais on était toujours seul.
  • Le plafond de verre, je m’y cognais toujours.

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