Critique – Belette – Mye – Le Tripode
Quel plaisir de découvrir une voix nouvelle et originale dans le paysage littéraire !
Mye, qui signe ici son premier roman, nous embarque aux côtés de Belette, treize ans, et de sa meilleure amie Babine, une vieille bicyclette cabossée qui n’a pas grandi en même temps qu’elle, montée trop vite en graine. Il n’ y a que les seins qui se démarquent en poussant « pas assez vite et pas pareils ».
Les deux complices dévalent les rues à toute berzingue vers la mer pour retrouver Pierre, l’amoureux de la Belette qui rêve de lui donner un « baiser qui colle ». Mais il n’y aura pas de « baiser qui colle ». Pierre fait une mauvaise chute et est emmené aux urgences. Du coup, Belette vit avec son fantôme dans le blockhaus où elle s’est installée après avoir quitté la maison familiale et les baffes du père.
Installée dans son nid de béton posé sur la plage, elle fait des rencontres singulières, réelles ou inventées, avec Léon, l’homme qui danse avec les mouettes, ou encore avec l’Imperméable, qui lui fait découvrir Janis Joplin et sa chanson « Little Girl Blue ».
Sans oublier le Bruno qui lui apporte de la nourriture.
Voyage dans l’univers de l’enfance que l’autrice fait vivre en usant de trouvailles langagières et d’expressives savoureuses, d’images cocasses, d’une langue à la fois poétique et prosaïque qui, par certains aspects, m’a fait penser à la gouaille du Céline de « Mort à crédit », « Belette » est une ode à la liberté, à l’amitié et à la puissance de l’imagination et des rêves incarnée par une fillette trop lucide sur le monde qui l’entoure et sur le genre humain, une enfant qui a décidé d’embrasser la vie avec une énergie communicative malgré l’adversité, une gamine qui a la rage.
Pour goûter la force de ce récit, il faut accepter de se replonger dans ses jeunes années, celles où, malgré les interdits, tout était possible. Si on consent à ce lâcher prise, on ressort bouleversé et enchanté par cette lecture qui a la grâce et qui nous incite, sans rien nous imposer, à libérer notre imaginaire.
Ce premier roman fait partie de la sélection du Prix Premières Paroles 2025.
EXTRAITS
- Suis en infarctus depuis la première minute.
- Y a pas d’amour chez moi, que des baffes.
- Les adultes, c’est con. Ça loupe tous les trucs importants.
- Du coup, elle a le mot maigrelet, y a rien à bouffer dessus, on reste sur sa faim.
- On peut pas rester molle de chute.
- Y dort. C’est sûr. Comme un gros sac incrusté dans sa mollesse. Toujours à la même heure. Dans la même position. Avec sa gueule de papier peint défraîchi.
- La lumière, ça met trop d’honnêteté. Y doit préférer rester dans l’ombre, lui et son univers qui rétrécit.
- Avant, là-dedans, y avait Miss Glue. Et maintenant, y a juste un pull de mouette avec un trou rouge.
- C’est souvent les cons qui ont la couenne la plus dure.
- Je dois avoir un don. Un don de carrefour. À rester coincée entre les morts qui vivent et les vivants qui disparaissent.
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