Critique – Cœur noir – Silvia Avallone – Liana Levi

Critique – Cœur noir – Silvia Avallone – Liana Levi


Depuis « D’acier » (2010), son premier roman qui l’a fait connaître, Silvia Avalllone ne cesse de sonder les tourments de l’adolescence et de l’entrée dans l’âge adulte.

C’est le jour des morts, tout début novembre, que débarque à Sassaia une visiteuse improbable : un corps aussi frêle que celui d’un moineau, une chevelure rousse indocile, des Dr. Martens violette aux pieds et une doudoune vert fluo qui ont stupéfait les villageois de la vallée, peu amènes avec les « estrangers ».

Elle s’appelle Emilia et elle va occuper la maison de feu sa tante Iole.

Deux habitants occupent ce hameau perché du Piémont italien : le Basilio, l’artiste contrarié, et Bruno, l’instituteur solitaire dont la vie a été brisée alors qu’il n’était qu’un petit garçon.

La première et le dernier vont s’aimer sur fond de silences, de non-dits, de douleurs tues et de crises de furie erratiques de la nouvelle venue, crises qui déroutent l’instituteur, conteur de l’histoire parallèlement à un narrateur à la troisième personne qui nous plongera dans une prison bolognaise où sont enfermées des femmes mineures. C’est dans ce lieu glauque que va s’exprimer toute la force de la sororité.

Autour du récit puissant, et impossible à lâcher, d’une relation improbable qui évite le piège du mélo larmoyant, Silvia Avallone s’interroge sur les raisons d’un passage à l’acte innommable, sur la dette que l’on doit payer à la société, une société qui peut être responsable en partie de ce qui vous a amené à commettre l’irréparable parce qu’elle vous a exclus, ne vous a pas donné votre chance ou n’a pas su soigner vos souffrances et votre haine de soi, sur le mal qui sommeille en chacun d’entre nous, sur la justice réparatrice versus la vindicte populaire qui n’excuse jamais, sur des mains qui se tendent au bon moment pour vous éviter de sombrer, sur le pardon d’un père ou d’un amant et sur la rédemption par l’amour, la culture et l’art, Emilia étant comme une peinture dont la lumière perce peu à peu sous les couches de crasse qu’on gratte délicatement.

EXTRAITS

  • Et elle justement, qui était la pire des filles, le sort lui avait octroyé un père parfait.
  • On est des clairs-obscurs.
  • L’art est toujours une tentative de lumière, un écart par rapport à l’obscurité qu’il y a dans la vie.
  • Aucun de nous ne contient une seule personne.
  • Une prison pour mineurs, c’est un contresens.
  • Est-ce que le temps remettait les compteurs à zéro ?
  • Parce que c’est toujours l’adolescence qui décide qui vous êtes.
  • Les mots « liberté » et « bonheur » avaient toujours quelque chose d’obscène dans leur bouche.
  • Du mal qu’on fait, on n’en sort pas.
  • Alors, c’était quoi le mal ? Ne pas savoir pardonner.

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