Critique – Cette putain si distinguée – Juan Marsé – Christian Bourgois

Critique – Cette putain si distinguée – Juan Marsé – Christian Bourgois


1982. Barcelone. L’Espagne n’en a pas encore terminé avec son sombre passé franquiste. Le caudillo est mort en 1975 mais en 1981 un coup d’état est fomenté par des militaires. Fort heureusement, il échoue.

Un écrivain est sollicité pour rédiger le préscénario d’un film portant sur un fait divers qui s’est produit en 1949 : l’assassinat, par son amant projectionniste, d’une prostituée.

Pour tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé, il interroge le meurtrier. Le souci est que ce dernier a oublié les raisons de son crime.

En remontant le passé de cet homme, l’écrivain tente de le faire accoucher de la vérité. L’occasion de découvrir que celui qui s’est opposé à la dictature est accusé d’une pathologie : l’idiotisme marxiste ! Une maladie qui nécessite un lavage de cerveau orchestré par Antonio Vallejo Nágera, un psychiatre cinglé. Une femme assiste aux entretiens : Felisa, l’employée de maison du narrateur, un personnage fantasque incollable sur le 7ème art qui « croit que le cinéma résout des devinettes de la vie » !

Porté par la voix originale de Juan Marsé qui signe un huis clos suffocant dont l’impression d’oppression est renforcée par la canicule qui sévit dans la capitale catalane, « Cette putain si distinguée » est une réflexion sur les ressorts de la mémoire, sur la quête de la vérité mais aussi sur les difficultés pour un auteur de restituer la réalité des faits. Tout en dénonçant le mirage de la démocratie espagnole, tout au moins au début des années 1980, il règle son compte au cinéma de cette époque. La Movida n’a pas encore mis un coup de pied dans la fourmilière culturelle.

EXTRAITS

  • Dans mes fictions, le vécu réel se soumet à l’imagination, qui est plus rationnelle et plus plausible. C’est dans la partie inventée qu’est mon autobiographie la plus véridique.
  • Quelques secondes avant de sentir la pellicule effilée sur sa gorge, elle sait qu’elle va mourir, et sur la cendre de ses pupilles se referme sa paupière lente et affligée.
  • La réalité n’existe que si nous sommes capables de la rêver.

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