Critique – Les Mandible. Une famille, 2029-2047 – Lionel Shriver – Belfond

Critique – Les Mandible. Une famille, 2029-2047 – Lionel Shriver – Belfond


Lorsqu’on connaît un peu la production littéraire de Lionel Shriver, on reste pantois devant sa facilité à passer d’un sujet à l’autre avec le même talent de narration : la violence d’un adolescent avec « Il faut qu’on parle de Kevin », l’incurie des États-Unis dans le domaine social avec « Tout ça pour quoi » ou encore l’obésité avec « Big Brother ».

Cette fois-ci, elle nous embarque dans une dystopie située dans un futur assez proche. Nous sommes en 2029. Les États-Unis sont plongés dans une crise sans précédent : les produits de première nécessité manquent, le dollar ne vaut plus rien et a été supplanté par le bancor, une devise sino-russe, la dette publique a explosé, internet est paralysé, les Blancs sont devenus minoritaires et c’est un président d’origine mexicaine qui gouverne…

Florence, « mère courage », vit avec Esteban, et Willing, son fils, un adolescent très intelligent, féru d’économie et lucide sur la situation de son pays. La famille tire le diable par la queue. Ce qui n’est pas encore le cas pour Avery, la sœur de Florence, Lowell, son mari, un professeur d’économie prétentieux qui n’a rien vu venir, et leurs trois enfants pourris gâtés. Ce n’est pas non plus le cas pour Douglas, l’Arrière-Grand-Homme, un nonagénaire riche et alerte dont tout le monde espère le décès pour pouvoir hériter.

Mais la crise va aussi les toucher et c’est la plus modeste, Florence, qui va devoir prendre en charge ses proches.

Quant à Jarred, le frère de Florence et d’Avery, il vit dans une ferme en parfait survivaliste.

Même si ce n’est pas très glorieux, on a un malin plaisir à assister au déclassement de ces nantis alors que, depuis toujours, des misérables manquent de tout. Pour ceux-là, l’indigence ne relève pas de la science-fiction mais bien de la réalité.

Les Mandible, eux, vont devoir s’adapter et oublier le fameux American way of life avec la vénération du roi $, la surconsommation et les modes aussi superficielles et dérisoires que le régime sans gluten…

D’autant plus que l’État, pour se renflouer, réquisitionne l’or. Et cette mainmise sur le patrimoine des Américains va se doubler d’une emprise sur leur cerveau.

Et, finalement, les Mandible vont apprendre à apprécier la vraie valeur des choses et des relations humaines.

S’inspirant de la crise des subprimes de 2008 qui a dégénéré en récession mondiale, « Les Mandible » propose une critique féroce et drôle du système américain mais, paradoxalement, elle prône, notamment dans la dernière partie du livre, le libéralisme le plus effréné comme un retour aux origines avec le mythe des pionniers et les vertus de la famille.

EXTRAITS

  • Tout ce que nous avons fait a disparu.
  • L’Amérique, maintenant, c’est le Grand Mexico, et l’Europe, une extension du Moyen-Orient.

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