Critique – Éclaircie – Carys Davies – La Table Ronde

Critique – Éclaircie – Carys Davies – La Table Ronde


Parce qu’il a fait sécession de l’Église presbytérienne d’Écosse pour fonder, avec d’autres pasteurs, la nouvelle Église libre d’Écosse destinée à protester contre la mainmise des grands propriétaires terriens sur l’élevage et sur les religieux, John Ferguson et son épouse Mary, dont la rencontre rocambolesque est le seul moment comique du livre, doivent repartir de zéro.

Pour assurer la survie du ménage, l’ecclésiastique contrevient à ses convictions et accepte d’accomplir une mission : chasser l’unique insulaire d’un bout de terre vivant aux côtés d’une vieille jument tenant lieu de confidente, d’une vache aveugle, de poules et de moutons.

Après avoir débarqué, non sans mal, sur l’île localisée entre l’Écosse et la Norvège, un terrible accident le laisse inconscient. C’est Ivar, celui qu’il doit expulser, qui le ramène à la vie et l’accueille dans sa modeste masure.

Malgré les différences de culture, de modes de vie et de langues, les deux hommes vont s’apprivoiser et s’apprécier dans une communion et une épiphanie d’altérité évidente vouée à chasser la solitude de la condition humaine.

Grâce au fruste Ivar, John va presque oublier ses chères Évangiles et sa bien-aimée Mary qui, sur le continent, se rongent les sangs pour son mari.

Roman d’atmosphère où la nature tumultueuse d’une violence poétique contrarie le quotidien fait de gestes répétitifs dévolus à la survie, « Éclaircie » exalte la puissance des mots, vecteurs essentiels des échanges, qui rapprochent les hommes.

Au même titre que les regards et les attitudes décrits dans leurs moindres détails pour leur conférer une intensité visuelle, comme si nous étions en compagnie des protagonistes.

En situant son récit à la toute fin du milieu du 19e siècle, Carys Davis lui a conféré une force historique, celle d’une époque où les riches écrasaient les pauvres en toute impunité et avec la bénédiction de l’Église officielle.

Dans ce huis clos à ciel ouvert, un ciel balayé par les vents et la pluie, s’opère une étrange alchimie entre deux êtres que tout oppose.

Ode à la tolérance, cette fable tout en finesse et en délicatesse dégage une grâce singulière. Et c’est suffisamment rare pour tomber sous le charme de cette narration envoûtante.

EXTRAIT

– L’idée lui donnait le vertige, le regard d’un autre sur lui.

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