Critique – A son image – Jérôme Ferrari – Actes Sud

Critique – A son image – Jérôme Ferrari – Actes Sud


Sur la route de son village natal du sud de la Corse, Antonia rate un virage et meurt sur le coup.

C’est son parrain qui célèbre ses funérailles. L’occasion de faire défiler la courte existence de la jeune femme tellement passionnée par la photographie qu’elle en fait son métier. Un peu honteuse de « couvrir » les concours de boules et autres élections de Miss, elle part pour Belgrade afin de témoigner des conflits entre les pays de l’ex-Yougoslavie. Pour montrer la violence du monde comme le firent avant elle Gaston Chéreau, témoin de la guerre italo-turque en 1911-1912, Rista Marjanovic, spectateur éclairé du premier tiers du vingtième siècle ou encore Kevin Carter dont « La fillette et le vautour », prix Pulitzer 1994, déclencha la polémique et le suicide du reporter.

S’interrogeant sur le pouvoir des images, Jérôme Ferrari situe son intrigue en Corse, territoire marqué par la violence et où les indépendantistes les plus acharnés apparaissent, sur les clichés, le visage masqué. Quel paradoxe pour Antonia de photographier des hommes cagoulés !

L’auteur va encore plus loin en soulignant l’ambiguïté foncière du huitième art qui, à force, ne provoque plus qu’une indignation éphémère.

Cette réflexion intéressante et intelligemment menée est malheureusement « polluée » (le terme est un peu fort, j’en conviens) par des digressions peu intéressantes sur la vie de la défunte comme sa relation avec Simon T.

Il reste que l’écriture de Jérôme Ferrari est de plus en plus belle.

EXTRAIT

Non, nous ne resterons pas dans l’ignorance au sujet des morts. L’histoire de la photographie a commencé par l’inerte (…). Il était donc inévitable que, (…), la photographie passe de l’immobilité des pierres, des fleurs séchées et des boulets de canon à celle, non moins parfaite, des cadavres, les aîeux embaumés, les enfants morts en bas âge (…).

+ There are no comments

Add yours