Critique – Au revoir là-haut – Pierre Lemaitre

Critique – Au revoir là-haut – Pierre Lemaitre


Parce qu’il sait qu’une guerre ne s’arrête pas le jour de la signature de la paix, en l’occurrence de l’Armistice, Pierre Lemaitre, que l’on connaît surtout pour ses tout bons polars, a choisi de traiter la Grande Guerre sous l’angle original de l’après-conflit, cette période où l’on s’occupe davantage des morts et de leur souvenir que des vivants, parfois perçus comme des traîtres et des lâches, dans tous les cas comme des gens gênants parce que ceux qui sont restés à l’arrière ne peuvent comprendre leurs souffrances.

Nous sommes début novembre 1918. Albert Maillard est précipité dans un trou d’obus par le lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle. Edouard Péricourt parviendra à le déterrer et paiera cet acte de courage d’une « gueule cassée ». Se sentant redevable, Albert, un comptable sans caractère, prendra soin de ce fils de bonne famille, artiste dans l’âme, qui choisira de changer d’identité pour fuir le regard de son père, un homme d’affaires intransigeant.

Alors que l’odieux Henri profite du chagrin des familles dans le deuil pour monter un commerce de vente de cercueils trop petits, Albert et Edouard se lancent dans une gigantesque escroquerie exploitant le goût des Français pour la commémoration.

Pierre Lemaitre a incontestablement un talent de conteur et un art de la mise en scène. Ce « Au revoir là-haut », à la veine romanesque tragique, se dévore malgré ses près de 600 pages. Grâce à un suspense bien distillé, des personnages hauts en couleurs qui incarnent une époque chaotique où l’amoralisme triomphe, une documentation précise, ce livre devrait séduire le plus grand nombre.

Ce qui m’a empêchée de lui décerner un coup de cœur : le manque d’épaisseur psychologique des personnages et l’absence d’empathie que l’on serait en droit de ressentir pour ce pauvre Edouard, obligé de se shooter à la morphine pour effacer la douleur.

En revanche, je trouve que Marcel Péricourt, père du précédent, est, avec sa carapace qui se fissure au fur et à mesure des événements, la seule figure vraiment attachante de ce roman.

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