Critique – Bordeaux-Vintimille – Jean-Baptiste Harang

Critique – Bordeaux-Vintimille – Jean-Baptiste Harang


Dans la foulée d’un Jacques Chessex (« Un Juif pour l’exemple »), d’un Didier Decoin (« Est-ce ainsi que les femmes meurent ? »), d’un David Grann (publié chez Allia, une excellente maison d’édition) ou, plus loin de nous d’un Truman Capote (« De sans froid »), Jean-Baptiste Harang s’est emparé d’un fait divers qu’il nous restitue avec un talent journalistique certain, lui qui fut critique littéraire pour « Libération » et correspondant du même journal au moment des faits, dénué de jugement. Et c’est justement la crudité du regard qu’il porte qui nous touche.

Nous sommes en novembre 1983. Un jeune Algérien monte dans le train Bordeaux-Vintimille. Destination Marseille pour embarquer sur un bateau qui le ramènera dans son pays. Quatre candidats à la Légion étrangère empruntent le même mode de transport pour se rendre à Aubagne. Pour passer le temps, les comparses s’enivrent. L’un d’eux, tellement ivre, sera incapable de participer au lynchage de Rachid.

Parce qu’ils n’aiment pas les Arabes, les trois engagés s’acharnent sur le jeune homme en le rouant de coups, le poignardant et, pour finaliser le massacre, en le jetant par la porte du train.

Si un contrôleur a tenté d’aider la victime en le mettant à l’abri, les passagers sont restés passifs. Pis, ils n’ont rien vu.

Dans une écriture dépouillée, l’auteur décrit la folie meurtrière des trois hommes et, surtout, leur bêtise crasse, incapables qu’ils sont de se rendre compte de la gravité de leurs actes (« Bon maintenant qu’on a avoué, quand est-ce qu’on rentre » glisse l’un des coupables !). Il fait aussi le procès de l’indifférence d’une société qui préfère détourner le regard plutôt que d’affronter l’horreur (« La mort de Rachid n’a coûté que douze minutes de retard aux voyageurs de l’express 343 »).

 

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