Critique – En salle – Claire Baglin – Minuit

Critique – En salle – Claire Baglin – Minuit


Quand on est enfant, aller au McDo est une fête. Mais y travailler peut être un cauchemar.

Dans son premier roman, Claire Baglin conduit deux récits en parallèle : celui de l’enfance et de l’adolescence de la narratrice auprès d’un petit frère turbulent et de parents de la toute petite classe moyenne, celle qui part en vacances au camping grâce aux chèques-vacances, celle qui ne peut pas s’offrir un bon restaurant, celle qui doit compter ; celui du premier job qu’elle décroche au fast-food du coin pour payer ses études.

Dans le premier, la part belle est faite au père, un ouvrier qui affronte chaque jour un travail dangereux qui l’épuise. Malgré cette fatigue qui le mine, il n’est pas peu fier de recevoir la médaille du travail récompensant vingt années de bons et loyaux services.

Dans le second, rien ne nous est épargné du quotidien d’une « équipière » d’un McDo, du sadisme du directeur lors de l’entretien d’embauche à l’exigence d’une polyvalence à rendre fou l’être humain le plus placide.

Le tout sous le contrôle des écrans de surveillance scrutés par les « manageurs », de la pointeuse et des minuteurs invasifs qui comptabilisent toutes les tâches automatisées effectuées mécaniquement sans aucune réflexion. De la cuisson des frites au drive, en passant par la salle dont la narratrice dit : « les nouveaux servent à être là où personne ne veut travailler ».

Dans une écriture blanche, neutre, clinique, sans affects, qui lui confère toute sa force, « En salle » plonge le lecteur dans un univers entrepreneurial absurde où l’employé, fliqué en permanence, n’a aucune autonomie et ne peut donc trouver aucun sens à son métier.

Le salarié parfait est celui qui est capable, en un temps de record, de concocter et de servir de la junk food pour rendre accros au sucre et au gras des centaines de millions d’obèses et de malades en sursis. Avec la bénédiction des actionnaires !

+ There are no comments

Add yours