Critique – Envoyée spéciale – Jean Echenoz – Éditions de Minuit

Critique – Envoyée spéciale – Jean Echenoz – Éditions de Minuit


Quatre ans après « 14 », livre sur la boucherie que fut la première guerre mondiale, Jean Echenoz a voulu s’amuser en parodiant les romans d’espionnage et leur lot de barbouzes. Et son plaisir est contagieux.

Constance s’ennuie mais elle ne va pas se languir longtemps. La ravissante jeune femme va en effet être enlevée et transportée de Passy à la Creuse par une bande de pieds nickelés commanditée par un général mis au placard mais qui n’entend pas passer la main. Elle ira même en Corée du Nord pour des raisons que nous ne dévoilerons pas !

Une rançon est demandée à son mari qui, apprenant la nouvelle, se coupe les ongles et lâche : « Non mais tu ne te rends pas compte, (…), après tout ce qu’elle m’a déjà coûté. ». Lou Tausk, l’époux indifférent, est une espèce de Patrick Hernandez qui vit très bien des rentes d’un seul tube.

Pendant que sa femme savoure son séjour à la campagne, il la trompe allégrement avec toutes celles qui arborent des jambes interminables.

Absurde, sans queue ni tête, improbable, fantasque, délicieusement misogyne, « Envoyée spéciale », récit naviguant entre Djian et JM. Erre, est une lecture réjouissante. Mais au-delà de l’aspect loufoque, l’écriture digressive d’Echenoz campe des personnages se heurtant aux contingences quotidiennes à la résistance des choses (clin d’œil à Perec ?). Des situations dans lesquelles chacun de nous peut se reconnaître.

EXTRAITS

  • Pélestor reste vêtu dans les mêmes tons de gris, sa peau est un peu grise aussi, comme son humeur
  • A peine entamé, l’après-midi se présente sous la forme d’une balle qu’il va falloir pousser, heure après heure
  • cette pièce évoquait une chambre d’hôtel maigrement étoilé
  • Hubert Coste est plus grand que Lou Tausk, plus élancé, plus souriant, plus musclé, plus tout ce qu’on peut concevoir et nous ferons grâce de sa putain de très jolie femme et de ses saloperies de merveilleux enfants.
  • On oublie trop souvent que les jambes des femmes leur sont également utiles pour avancer
  • les choses se sont encore compliquées car chacun de ces tournevis était toujours un peu trop grand ou trop petit pour la taille de la vis (…). Doit-on rappeler qu’il est déconseillé d’acheter les tournevis par lot, sachant qu’ils prennent très vite un mauvais esprit de groupe ?

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