Critique – Johnny Chien méchant – Emmanuel Dongala

Critique – Johnny Chien méchant – Emmanuel Dongala


Elle a 16 ans. Il a 16 ans. Elle, c’est Laokolé, victime de la guerre civile qui sévit au Congo, obligée de fuir avec sa mère dans une brouette. Lui, c’est Johnny Chien méchant, un pseudo dont ce jeune milicien s’est affublé, l’esprit déformé par les films américains. Sans impunité, flanqué de ses camarades, cet « enfant-soldat » vole, viole, pille, détruit, obéissant aux ordres de l’ethnie qui vient de prendre le pouvoir. Au nom de la démocratie dit-elle alors qu’elle ne pense qu’au pétrole et aux diamants qui lui apporteront le pouvoir et le droit de persécuter la tribu ennemie.

Ce roman à deux voix se fait succéder les récits de Laokolé et de Johnny. Petit à petit, les deux adolescents se rapprochent jusqu’à un épilogue étonnant.

Dans une superbe écriture, le Congolais Emmanuel Dongala nous raconte le destin de deux individus ballottés par une histoire qu’ils ne maîtrisent pas. Malgré sa violence, les propos de Johnny nous font sourire tant ils sont absurdes. Et pourtant, il se prend pour un intellectuel et commence même à se constituer une bibliothèque… Laokolé, elle, est une fille intelligente et sensible qui rêve de devenir ingénieur.

Dans un style très cru et imagé, l’auteur stigmatise aussi le comportement des médias, qui se nourrissent de la misère humaine, des expatriés et des diplomates. En revanche, il salue la bonne volonté des humanitaires qui exercent une mission délicate et dangereuse.

« Johnny Chien méchant » est plus qu’un roman. C’est un document unique et marquant sur une certaine Afrique bouleversée par les guerres tribales et l’indifférence des Occidentaux. Il ne peut laisser personne indifférent.

Extraits : « Je lui ai répété que les troupes qui étaient gouvernementales étaient maintenant les troupes rebelles et les troupes qui étaient rebelles étaient maintenant les troupes gouvernementales » (p. 24)

« J’ai alors vu la forme de ses deux seins qui pointaient sous son grand boubou. Mon petit bonhomme s’est mis tout à coup à faire debout-debout… » dixit Johnny (p. 36)

Toujours Johnny : « J’ai voulu être un chef démocrate mais voyez-vous, c’est pas bien la démocratie, les chefs n’y sont plus respectés » (p. 76).

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