Critique – Le reste de sa vie – Isabelle Marrier

Critique – Le reste de sa vie – Isabelle Marrier


Délia est une mère parfaite. Pour se consacrer à ses deux petites filles et au bébé qui vient de naître, pour fuir ce travail qu’elle n’aime pas, pour, enfin, se reposer dans son petit appartement de banlieue, elle décide de prendre un congé parental.

Plus qu’une journée de travail chez Xenon, une entreprise qui commercialise des photocopieurs, et c’est la liberté et le bonheur de pouvoir se consacrer à sa famille.

Cette ultime étape commence pourtant bien mal. Les filles ont mal au ventre et ne veulent pas aller à l’école. Jérôme, son mari, une espèce de pervers narcissique comme on en voit de plus en plus rechigne à lui prêter la voiture. Pourtant, elle en a besoin pour rapporter un olivier, cadeau de départ de ses collègues.

Finalement, elle embarque le bébé dans le véhicule. Destination le domicile de la nounou. Pour pouvoir stocker des meubles achetés chez Ikea le week-end précédent, Jérôme a installé le siège bébé sur la banquette arrière.

Il fait déjà chaud en ce début de matinée.

Délia se gare sur un parking non loin de son entreprise. Un clochard exhibitionniste attire son regard. Qu’importe, elle descend de voiture, croise un jeune homme endimanché dans un costume bas de gamme. Il a garé sa voiture non loin de celle de Délia. Il s’avère qu’il est convoqué par la DRH pour remplacer Délia.

La journée se passe entre le rangement de ses affaires personnelles et les discussions avec ses collègues. Tous attendent avec impatience le pot de départ.

Le jeune homme n’a pas été retenu pour le poste. Trop provincial sans doute. S’il n’a pas le profil du commercial aux dents longues, cet homme a une conscience et un sens moral.

Bon, vous avez compris ce qui s’est passé.

Dans une langue superbe, Isabelle Marrier nous fait vivre vingt-quatre heures de la vie d’une femme épuisée, stressée, qui se noie dans les petits riens du quotidien, qui se confronte aux circonstances et aux hasards de la vie. Son malaise, on le ressent avec force et on parvient à comprendre ce qui l’a menée à commettre l’irréparable alors, qu’habituellement, lorsque nous apprenons par les médias ce genre de faits, nous nous indignons collectivement. Et c’est la force de la littérature de nous aider à mieux saisir l’humain.

Tout le récit, même si le suspense reste entier, est par ailleurs habilement ponctué d’indices qui nous font deviner le dénouement final.

Hormis ce portrait qui ne juge pas, « Le reste de sa vie » est une dénonciation du monde dans lequel nous vivons : l’entreprise qui broie ses salariés résumés à des chiffres d’affaires, cette banlieue laide défigurée par ses immeubles, ses centres commerciaux, ses parkings à perte de vue, ses publicités vulgaires et racoleuses… N’est-ce pas cet univers impitoyable qui pèse tant sur Délia ?

Bref, « Le reste de sa vie » est un vrai coup de cœur.

Ce livre fait partie de la sélection du Prix des lecteurs de la Ville de Brive 2014.

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