Critique – Les mal-aimés – Jean-Christophe Tixier – Albin Michel

Critique – Les mal-aimés – Jean-Christophe Tixier – Albin Michel


Un jour de février 1884, les habitants d’un village de l’Hérault assistent mal à l’aise à la « libération » d’adolescents enfermés dans un bagne.

Dans la sinistre troupe, il y a le « gamin » qui se demande où est passé le « P’tiot », son copain qui a fui le terrible établissement.

Dix-sept ans plus tard, dans cette même bourgade, s’abattent des catastrophes déstabilisantes pour les paysans qui peuplent cet âpre territoire cévenol : une jument agonise, des chèvres meurent d’une étrange maladie, des incendies mystérieux se déclenchent…

La panique et le ressentiment gagnent les habitants pénétrés d’une pseudo-religion plus proche de la superstition que de la spiritualité. Tous sont touchés. Les purs comme Blanche assidûment violée par Ernest, son soi-disant oncle. Mais aussi ceux qui ont beaucoup à se reprocher soit parce qu’ils ont profité de la main d’oeuvre bon marché que fournissait cette sinistre prison, soit parce qu’ils participaient au système de maltraitance comme la Cruere, une terrifiante perverse narcissique. Un propos bien manichéen qui a le mérite de donner une vision simple, voire simpliste, du monde.

Deux personnages sortent du lot. Celui du médecin alcoolique faussement misanthrope Emile Morluc qui, après une expérience malheureuse en ville, revient à la campagne pour soigner avec désintéressement les plaies des villageois et des animaux alors qu’il est hanté par la culpabilité et des désirs insatisfaits. Et celui de Jeanne « qui porte sur ses frêles épaules le poids écrasant dont ils se sont tous déchargés ».

Pour mieux s’ancrer dans la réalité de ce bagne qui a vraiment existé, l’auteur ouvre chaque chapitre par une courte biographie d’enfants décédés en détention : Pierre, Gilbert, Jean, Antoine, Adrien, Clément… Glaçant !

Ce roman offert par Albin Michel via le site Babelio que je remercie, a le mérite de lever le voile sur un pan méconnu du fonctionnement de la justice des mineurs et de l’incurie des institutions à la fin de dix-neuvième siècle. Dommage qu’il y ait autant de longueurs et de digressions peu utiles et indigestes.

EXTRAITS

  • Toutes les filles de la campagne sont ainsi. Soumises à la vie, soumises aux hommes.
  • Plus bas sur la gauche, le bâtiment de l’ancien bagne le toise avec défiance et mépris. Il pue le désespoir et la mort, semble avoir contaminé tout le coin.
  • Jeanne s’était rappelé les propos de sa mère, le jour de son mariage, alors qu’elle avait perdu son regard sur la falaise : « C’est elle qui rend nos hommes silencieux en les empêchant de voir au loin. Ils n’aiment pas entendre l’écho de leurs doutes. C’est ainsi qu’ils sont faits. »
  • Tout le monde meurt, mais peu vivent vraiment.

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