Critique – Les rêveurs – Isabelle Carré – Grasset

Critique – Les rêveurs – Isabelle Carré – Grasset


A priori, je ne suis pas attirée par les livres écrits par des acteurs. Ce sont les circonstances qui m’ont portée vers le texte d’Isabelle Carré, ce roman faisant partie de la sélection du club de lecture de la bibliothèque de Châteauneuf-sur-Loire.

Par petites touches, à la manière des impressionnistes, Isabelle Carré retrace, sans linéarité, l’histoire des siens, à la fois réelle et inventée, pour mieux se dévoiler. Tout commence avec la mère. Issue d’une lignée aristocratique aux principes bien arrêtés, elle n’est pas encore majeure lorsqu’elle « tombe » enceinte d’un beau garçon rencontré sur un slow de l’époque : « Les neiges du Kilimandjaro ». Répudiée, elle quitte le château familial pour s’installer dans un studio sordide de Pantin. Elle rencontre le père d’Isabelle, née en 1971, qui l’épouse. Ce sont en fait deux êtres solitaires qui s’accrochent l’un à l’autre : la mère rejetée par son clan, le père qui n’ose pas révéler son homosexualité.

Finalement, peu importe que ce récit soit autobiographique et que l’auteure soit une actrice connue. L’important est qu’Isabelle Carré ait aussi bien décrit la souffrance d’une enfant devenue une adolescente évoluant entre une mère immature, dépressive, à côté de la vie et qui ne joue pas son rôle de protectrice et un père fantasque qui ne pense qu’à s’éclater depuis son coming out. Aucun ne s’inquiète des enfants laissés à eux-mêmes. A 14 ans, la narratrice tente de se suicider. C’est dans le théâtre qu’elle trouvera non seulement un cadre mais aussi un moyen d’exprimer ses émotions et d’« accepter que ça déborde ». C’est aussi dans une famille « classique » qu’elle fonde qu’elle trouve l’équilibre.

Touchant, juste, sensible, délicat, « Les rêveurs » est un joli livre qui est aussi le portrait d’une génération, celle du Sida. Il y malheureusement quelques longueurs.

EXTRAIT

Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois joyeux, ludique, toujours bordélique, qui ne tarderait pas à s’assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et la réalité en étaient absentes. Là encore et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l’histoire, accepter les rôles qu’on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes.

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