Critique – Mon mari – Maud Ventura – L’Iconoclaste

Critique – Mon mari – Maud Ventura – L’Iconoclaste


Drôle et effrayant. Voilà ce qu’on peut dire après avoir refermé le premier roman de Maud Ventura.

On pourrait dire de la narratrice qu’elle est une amoureuse professionnelle. Mais quel est l’objet de cette adoration exclusive et obsessionnelle ? Après quinze ans de vie commune, elle voue toujours une passion exclusive à son mari. Les enfants qu’elle a acceptés de faire naître pour former la famille idéale ne sont que des obstacles à cette adoration qu’elle souhaiterait fusionnelle et réciproque.

Car, chacun le sait, dans l’union de deux êtres, il y en a toujours un dont l’attachement est en-deçà de celui de l’autre.

Ce constat, l’épouse le repousse jusqu’à noter les « fautes » de son conjoint qui sont assorties de punitions plus ou moins lourdes en fonction de leur gravité, le châtiment suprême étant l’infidélité.

Elle n’hésite pas non plus à le « marabouter » ! Bref, elle est prête à tout pour qu’il l’aime, pour qu’il ne pense qu’à elle, pour qu’elle soit le centre de son existence…

Si, pour son entourage, elle vit avec l’homme idéal, elle considère que celui-ci n’est pas dépourvu de défauts invisibles aux yeux des autres mais insupportables aux siens, tellement est est rongée par la paranoïa et la jalousie.

Quelques exemples des péchés commis par le mari : ne pas lui souhaiter bonne nuit ; la comparer à une clémentine, « fruit banal et pas cher » à l’occasion d’une soirée entre amis ; le choix d’un plat inattendu dans un restaurant ; une main qu’il lâche trop vite…

Tous ces signes sont avilissants pour la Phèdre des temps modernes issue d’un milieu modeste, envahie par un complexe d’infériorité et briefée sur les bonnes manières par la lecture des guides de savoir-vivre de Nadine de Rotschild ! Le mal-être qui s’empare d’elle se manifeste par des démangeaisons, expressions de la somatisation.

Drôle et effrayant, disais-je. Ce premier roman très réussi à la finale époustouflante est drôle tant le personnage de l’épouse malheureuse est ridicule et pathétique. Il est aussi effrayant pour les mêmes raisons et parce qu’il offre une vision du couple comme structure d’aliénation et de dépendance.

EXTRAITS

  • Mon mari n’a plus de prénom, il est mon mari, il m’appartient.
  • Et Nadine de Rotschild m’a donné l’éducation que je n’avais jamais reçue.
  • Heureusement que je suis très belle.

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