Critique – Summer – Monica Sabolo – JC Lattès

Critique – Summer – Monica Sabolo – JC Lattès


Comme dans « Crans-Montana », son précédent roman, le cadre de l’histoire est celui de milieux aisés où les personnages sont beaux et raffinés.

Comme Summer, avec ses airs de « reine de beauté de feuilleton américain » aux « jambes élastiques » et aux « dents blanches irréelles » avec dans le regard « une lueur insaisissable évoquant le chagrin ou le mal ».

Dès le début, on sait qu’elle a disparu et que près de 25 ans plus tard, son frère Benjamin est allongé sur le divan d’un psy pour comprendre ce qui s’est passé l’été de l’évanouissement de la jeune fille de 19 ans.

Hormis Summer, dans la famille Wassner, il y a le père, un brillant avocat, la mère, « belle et mystérieuse », et Benjamin, le vilain petit canard qui vient d’entrer dans l’adolescence et se demande si ses parents sont bien les siens. Avec son physique disgracieux, sa dyslexie, ses tics, il pense qu’il déçoit ses parents.

A près de 40 ans, il vit seul dans un studio comme un ado attardé incapable d’entrer dans l’âge adulte comme figé dans cet été tragique.

Si Summer donne son prénom au titre du roman, c’est Benjamin, le narrateur, qui tire les ficelles en réécrivant le récit familial sous forme de flashes et en sondant les secrets et les non-dits de ces personnes si parfaites avec, en arrière-plan, le lac Léman, protagoniste à part entière.

Monica Sabolo sait restituer avec talent l’étrangeté des rapports humains et les douleurs de l’adolescence.

Elle doit avoir beaucoup lu Laura Kasishke, Joyce Carol Oates et Jeffrey Eugenides «(cf. « Virgin suicides » remarquablement adapté au cinéma par Sofia Coppola.

Petit bémol : « Summer » ressemble évolue un peu trop dans le même registre que « Crans-Montana ».

EXTRAITS

  • Qui s’évapore dans ce monde ? Cela n’arrive pas, ou seulement dans ces familles maudites, dont le membre le plus inoffensif (et insignifiant), à force d’imaginer le pire, et de projeter sur autrui l’ombre dont il est fait, finit par provoquer ce qu’il redoutait le plus au monde. Il a le pouvoir de créer les drames qui naissent dans son cerveau dérangé, ils s’échappent de lui de la même façon que le sang s’écoule du corps de sa sœur, sombre, intarissable.
  • Mais que dois-je croire, quels instants reflétaient la réalité de nos âmes ? Était-ce ces matins où mon père et ma sœur, assis l’un à côté de l’autre, sur ces chaises minuscules, retiennent leur souffle devant la parade nuptiale des poissons, dans une communion silencieuse ? Était-ce ces soirs où, les joues en feu, mon père crie debout dans la cuisine, tandis que Summer, assise sur un tabouret en plastique, cache son visage dans ses mains, comme pour s’extraire ou se protéger de ces grandes mains furieuses qui lui attrapent les épaules, et la secouent, quelque chose d’irrémédiable a dû se passer, dont on me parle pas, où est ma mère , alors, tandis qu’il essaye d’extraire cette chose de ma sœur – des aveux ? des regrets ?

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