Comme le souligne Sophie Todescato, gérante de la librairie « Les Temps modernes, « Abraham et fils » serait « le pendant » imaginaire de « Plumes d’anges », portrait d’un père réalisé à partir de souvenirs, de documents et de témoignages.

Dans son dernier opus, Martin Winckler affiche en effet clairement la couleur : « on est dans un roman ! » assène-t-il.

Et pourtant ! Tilliers ressemble étrangement à Pithiviers et le personnage d’Abraham est bien sûr inspiré de la figure paternelle même si l’écriture fictionnelle laisse toute liberté à l’auteur de transformer la réalité.

Quant à Franz, l’un des principaux protagonistes de cette somme de près de 600 pages, arrivé en France à l’âge de 8 ans, il ressemble beaucoup au petit Martin qui dévorait les livres et apprenait à vivre et à penser à leur contact.

La frontière est tellement mince entre le factuel et l’invention que le lauréat du Prix du Livre Inter a même désarcçonné sa propre sœur qui s’étonnait qu’il ait tué leur mère. « Mais ce n’est pas maman ! » a-t-il rétorqué, s’appropriant le précepte suivant : « Tout est faux parce que je l’invente. Tout est vrai puisque je l’écris ».

Et le romancier de jouer avec ses personnages et les événements. Contrairement au patriarche de la Bible, Abraham ne songe pas à sacrifier son fils. Bien au contraire, il éprouve pour lui, dont le prénom serait un hommage à Fanon, l’un des fondateurs du mouvement tiers-mondiste, une infinie tendresse, allant même jusqu’à l’appeler « petit chat » !

Raconté par les voix de l’enfant, sorte de double de Michel, héros du « Club des Cinq », et d’un narrateur omniscient qu’on ne découvre qu’à la fin, le roman « raconte les relations entre un père et son fils », tout en réexplorant l’histoire récente, celle des années 1960, celle de la fin de la guerre d’Algérie.

A ce premier volume succéderont quatre autres tomes. Les lecteurs de « Abraham et fils » sont impatients de découvrir la suite des « aventures » de Franz composées par celui qui se définit « comme l’un des dix écrivains les plus chanceux de France ».