Critique – L’immeuble Christodora – Tim Murphy – Plon
Si le titre du premier roman de Tim Murphy pourrait être un clin d’œil à « L’immeuble Yacoubian » d’Alaa El Aswani, il raconte surtout, via une galerie de personnages, les années sida qui ont commencé au début des années 1980. Même si des traitements existent, le virus continue à faire des ravages.
Le récit commence en 2001. Il projettera le lecteur jusqu’en 2021 de New York à Los Angeles. Milly et Jared forment un couple d’artistes. Ils résident dans le mythique immeuble Christodora. Construit en 1928, ce building situé dans l’East Village a longtemps été squatté par des marginaux, hippies et junkies, avant d’être restauré et de devenir une résidence luxueuse, signe de l’embourgeoisement du quartier.
Milly et Jared sont les parents de Matéo, un bambin qu’ils ont adoptés après le décès de sa mère Issy, victime du VIH. Le garçonnet est devenu un ado en rébellion qui plonge dans les drogues les plus dures.
Milly et Jared sont les voisins de Hector, un homosexuel transformé en épave par l’abus de substances illicites.
« L’immeuble Christodora » met en scène une formidable chaîne humaine qui a œuvré de près ou de loin par leur activisme à lutter contre la terrible maladie qui a décimé 25 millions de personnes dans le monde.
Tous les protagonistes sont épatants :
- Hector qui, avant de devenir une loque, a mené un combat homérique
- Issy, mère de Matéo et « guerrière du sida », qui a lutté pour que la recherche contre le virus prenne en compte les spécificités de la maladie chez les femmes
- Ava bipolaire au grand cœur qui, comme la plupart des maniaco-dépressifs, détruit sans le vouloir son entourage et en particulier « Milly l’inquiète » qui souffre de dépression et qui a préféré adopter plutôt que de prendre le risque de transmettre ses gènes
- Drew, la « meilleure » amie de Milly, qui s’est sortie de l’enfer des paradis artificiels…
A la fois dur parce que les sujets (le sida, la drogue, l’homosexualité) le sont (et parfois la construction faite d’incessants allers et retours entre les lieux et les époques) et émouvant grâce à ses héros et héroïnes qui incarnent ces thématiques, « L’immeuble Christodora » est aussi un roman sur l’art qui peut vous sauver quand il repose sur le partage (contrairement à Jared, l’esthète autocentré). Et les dialogues, toujours cash, soulignent l’extrême pudeur des acteurs de cette aventure humaine qui a fait tant de martyrs.
EXTRAITS
- Chris prit Hector dans ses bras, enfonçant son visage rouge de vodka et de cocaïne dans son cou.
- Nous sommes les derniers fantômes des années sida.
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