Faut-il lire « Madame Bovary » comme une oeuvre publiée à l’occasion de la dernière rentrée littéraire ou comme un classique composé sous le Second Empire, qui fut sous le coup d’un procès pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes moeurs », et qu’il faudrait systématiquement analyser ?

N’ayant pas suivi d’études supérieures de lettres, c’est en lectrice « lambda » que je vais donner mon ressenti à la lecture de ce « monument » littéraire. Tout en gardant à l’esprit le contexte de l’époque et les intentions de l’auteur.

Le roman commence par une scène inaugurale d’une grande cruauté, celle où Charles Bovary, alors adolescent et déjà mal dans sa peau, se fait traiter de « Charbovari » par ses « camarades » d’école. Marié ensuite à une femme plus âgé, il devient rapidement veuf et tombe éperdument amoureux d’Emma Rouault, ravissante fille d’un paysan plutôt cossu éduquée à Rouen au couvent des Ursulines. La donzelle aspire à une vie romantique inspirée de ses lectures qui magnifient les sentiments les plus nobles. La triste réalité va la rattraper. Son mariage avec Charles, médiocre officier de santé, va briser ses pauvres illusions. Pour rompre son ennui, elle prend des amants en espérant enfin atteindre « l’immense pays des félicités et des passions » et accumule jolis vêtements, beaux tapis… pour enjoliver un quotidien bien banal. Les dettes gonflent. Emma est prise au piège. La seule issue pour cette femme perpétuellement insatisfaite est le suicide.

Peut-être par provocation, Flaubert, qui travailla près de cinq ans à son roman, confia avoir écrit un « livre sur rien ». Qu’entendait-il par là ? En campant des personnages insignifiants, il a voulu s’intéresser avant tout à la forme et au style. Et quel style ! Flaubert a réinventé le roman en plaçant le lecteur au cœur de la conscience de ses personnages. Un exemple : « Charles était là. Il avait sa casquette enfoncée sur ses sourcils, et ses deux grosses lèvres tremblotaient, ce qui ajoutait à son visage quelque chose de stupide ; son dos même, son dos tranquille était irritant à voir, et elle y trouvait étalée sur la redingote toute la platitude du personnage ». Voilà résumé en quelques mots le profond dégoût que Emma ressent pour son époux. Du grand art dans le réalisme des descriptions !

Ce travail de déconstruction romanesque n’a pas empêché l’auteur de « Bouvard et Pécuchet » d’aborder de multiples thèmes autour des « Mœurs de province » (sous-titre de « Madame Bovary). M. Homais, l’orgueilleux pharmacien de Yonville, résume par exemple à lui seul le combat qui agitait la société française de l’époque entre l’obscurantisme religieux et la science dont il serait un digne représentant. Enfin, « Madame Bovary », c’est aussi le portrait féroce d’une communauté villageoise dominée par une petite bourgeoisie engoncée dans ses certitudes morales.

EXTRAITS

Emma retrouvait dans l’adultère toutes les platitudes du mariage.