Critique – Un livre de martyrs américains – Joyce Carol Oates – Philippe Rey
En novembre 1999, Lionel Dunphy assassine Gus Voorhees, médecin avorteur, et son chauffeur devant une clinique d’une petite ville de l’Ohio.
Ce geste est la conséquence de l’opposition hystérique des « pro-life » à tous ceux qui défendent le droit des femmes à disposer de leur corps.
En remontant le cours de la vie et les raisons qui ont conduit le meurtrier à, paradoxalement, oter la vie au nom de la vie, l’auteure fait preuve d’une grande finesse psychologique. Lionel se réfugie dans la religion pour exorciser ses pulsions et s’il est pitoyable, la victime, habitée par sa mission au détriment de sa famille, n’est pas épargnée.
Si on se doute des positions sur le sujet de Joyce Carol Oates, « Un livre de martyrs américains » n’est pas un pamphlet. Il ne juge pas. Il s’attache surtout à analyser les répercussions du crime sur l’entourage des deux hommes. Rien ne sera jamais plus comme avant pour les épouses et les enfants, pauvres victimes collatérales de deux visions irréductibles.
Comme souvent, la voix singulière et puissante de la nobélisable fait mouche. Loin des insupportables feelgood books, des autofictions proposées par des écrivains qui se regardent le nombril ou encore des thrillers bâclés, l’auteure de « Blonde » a composé un roman dérangeant qui n’élude rien. Même le plus effrayant. Ce pavé de 860 pages comporte certes quelques longueurs mais quel talent et, comme on dit, on ne ressort pas indemne de sa lecture.
EXTRAIT
Contre le mariage gay, la contraception, les droits de la femme en matière de procréation, l’avortement était le catalyseur de l’émotion, le cri de ralliement : Aucun bébé ne choisit de mourir.
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