
Critique – D’une rive l’autre – Dima Abdallah – Sabine Wespieser
Le narrateur, dont on ne connaîtra pas le nom, a vécu son enfance dans un quartier d’une banlieue de Paris auprès de ses amis Layla et Elias dont la peau crie « des terres lointaines ».
Devenu adolescent au début des années 1990, il poursuit ses relations avec le second. Fou amoureux de la première, il n’ose pas lui déclarer sa flamme. Il est vrai qu’il n’est pas à l’aise avec l’oralité. Même avec sa mère, dépressive depuis le départ du père qui l’a laissée brisée psychologiquement et physiquement, il est taiseux.
Persuadé que son géniteur a semé une graine en lui, celle de la colère, il se réfugie dans les mots, ceux du dictionnaire qu’il apprend par cœur et ceux de la poésie qu’il lit et écrit.
Mais les mots, s’ils peuvent aider, ont des limites.
Irrésistiblement attiré par la Méditerranée, il se rend au Liban, terre d’un père qu’il ne cherche pas, terre de sa moitié hybride, celle du soleil et de la mer, celle meurtrie par les guerres.
Dans un long monologue intérieur révélant une sensibilité à vif, une mélopée envoûtante et épiphanique d’une grande force lyrique où se mêlent le langage des « lascars » et celui, plus soutenu, des « lettrés », le conteur nous parle de ses états d’âme, de sa fureur, de sa peur de la perte et de l’abandon et du poids des origines, lui qui pense n’être de nulle part.
Ode à la poésie, « D’une rive l’autre » ressemble à un chant lancinant et ensorcelant entre ombre et lumière, à l’image du garçon torturé qui n’a pas de nom. Comme son père.
EXTRAITS
- Layla, c’est la poésie tout entière.
- Plus je les aime, les mots, et moins ils sortent de ma bouche.
- Écrire ça me fait m’évader au plus loin possible de ce monde tout en m’y ancrant comme jamais, tout en y plantant des racines comme jamais.
- Dans le quartier, c’est tellement plein à craquer de gosses perdus que ça se convertit à tout bout de champ.
- Les Libanais, tout ce qu’il leur reste, c’est la bouffe.
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