Critique – Dictionnaire amoureux des écrivains d’aujourd’hui – Frédéric Beigbeder – Plon
Avec ses allures de dandy dilettante, le presque sexagénaire Frédéric Beigbeder est, non seulement un auteur prolifique avec une quarantaine de livres à son actif (romans et essais), mais aussi un lecteur passionné.
Après « Bibliothèque de survie » (2021) dans lequel il dévoilait le top 50 de ses romans préférés, il nous livre une plongée au cœur du paysage littéraire francophone en offrant 281 entrées correspondant au même nombre d’autrices et d’auteurs qui lui sont contemporains (c’est-à-dire toujours vivants) sur lesquels il livre un avis forcément subjectif en décochant des flèches parfois assassines et pas toujours justifiées selon moi (chaque fiche est agrémentée d’émoticônes permettant de définir le style de l’écrivain : entre les « américanisés » et les « transfuges du polar », la palette est large).
Je pense à Jean-Baptiste Del Amo sur lequel pleuvent des adjectifs – indigeste, grandiloquente, boursouflé – cruels. Ayant lu trois de ses romans (« Une Éducation libertine », « Règne animal » et « Le Fils de l’homme »), d’autres qualificatifs me viennent à l’esprit : puissance, sensualité, flaubertien (je pense surtout à la correspondance de l’ermite de Croisset).
« Un Certain M. Piekielny » de François-Henri Désérable à propos duquel le critique écrit « l’idée est plus forte que le résultat, là encore par flemme », est pour moi un récit au style léché, avec du souffle et de l’émotion qui sort de l’oubli un homme ordinaire disparu dans la Shoah, comme le fit Romain Gary.
Quant au « trop correct » Laurent Gaudé, son roman « Eldorado » propose, selon Frédéric Beigbeder, un « scénario prévisible », des « personnages manichéens » et « une morale généreuse ». À l’inverse, je trouve que la fiction peut-être un meilleur outil qu’un documentaire pour décrire le drame humain des migrants.
En revanche, je rejoins l’ancien publicitaire lorsqu’il dézingue des plumes encensées par les médias pour des raisons qui m’échappent.
Quelques exemples : Olivier Adam qui « semble revenu de tout sans être allé nulle part », David Foenkinos, « digne successeur d’Alexandre Jardin dans le domaine de la mièvrerie démagogique », Alexis Jenni…
A contrario, je me rallie à ses avis sur des auteurs qui me sont chers : Pierre Assouline, Florence Aubenas, Emmanuelle Bayamack-Tam, Anne Berest, Virginie Despentes, Mathias Énard, Jérôme Garcin, Iegor Gran, Michel Houellebecq (« le meilleur d’entre nous »), Philippe Jaenada, Lola Lafon, Marie-Hélène Lafon, Philippe Lançon et son magnifique « Lambeau », Jérôme Leroy, Alain Mabanckou, Laurent Mauvignier, Mohamed Mbougar Sarr, Richard Millet le cancelé, Tierno Monénembo, Marie Ndiaye, Abel Quentin, Bernard Quiriny, Atiq Rahimi, Vincent Ravalec, Yasmina Reza, Blandine Rinkel, Monica Sabolo, Lydie Salvayre, Joann Sfar, Leïla Slimani, Joy Sorman, Jean-Philippe Toussaint, Lyonel Trouillot, Marin de Viry, Éric Vuillard, Marc Weitzmann.
Cependant, je m’étonne que certains auteurs ne figurent pas dans ce dictionnaire – Sorj Chalandon et Richard Morgiève – et que certains livres ne ne soient pas cités pour illustrer les chroniques des auteurs.
Pourquoi avoir omis « Les Derniers Indiens » alors qu’il est certainement l’un des meilleurs romans de Marie-Hélène Lafon ? De même, « Le Dernier bain de Gustave Flaubert » de Régis Jauffret aurait mérité d’être mentionné, tout comme « Corniche Kennedy » de Maylis de Kerangal.
Quoi qu’il en soit ce dictionnaire a la grande vertu de donner envie de lire des auteurs connus dans lesquels nous ne nous sommes jamais plongés et d’autres dont nous ignorions l’existence.
Grâce à ses fulgurances et à son humour, il est très plaisant à lire.
EXTRAITS
- La haute littérature n’est rien d’autre qu’une quête de la clarté dans l’ombre.
- Seul le pessimisme nous guérit du manichéisme.
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