Rencontre avec Edwy Plenel à L’Armitière le 30 avril 2019

Rencontre avec Edwy Plenel à L’Armitière le 30 avril 2019


Ironie de l’Histoire ? Ou pas ? Le dernier essai d’Edwy Plenel, comme il l’a rappelé avec humour, porte le même titre qu’un livre d’André Fribourg édité en 1938 et préfacé par le Maréchal Pétain. Dans cet ouvrage triomphe l’esprit munichois…

Dans « La Victoire des vaincus » (Editions La Découverte) version Plenel et sous-titré « A propos des gilets jaunes, on peut lire en exergue, comme le souligne Hélène Boyeldieu, animatrice de la rencontre qui se déroulait le 30 avril dernier à la librairie L’Armitière, une citation de Victor Hugo extraite de « Choses vues » : « Le plus haut symbole du peuple, c’est le pavé. On marche dessusjusqu‘à ce qu’il vous tombe sur la tête ».

Le patron de Mediapart enchaîne en se présentant comme une espèce d’avocat commis d’office du mouvement et en stigmatisant la manière dont les gilets jaunes ont été « caricaturés », « assignés à résidence » et victimes de clichés.

Et pourtant, c’est mon avis, on ne peut nier que les attaques antisémites ont fleuri dans les cortèges. Sans oublier le torrent de haine qui s’est déversé sur Ingrid Levavasseur traitée de « sale pute » (tiens tiens…).

En Robin des Bois de ceux qui ont été « renvoyés à une sorte de plèbe », Edwy Plenel confie, pour écrire son livre, s’être appuyé sur trois éléments : le caractère inédit de la mobilisation, la morgue de la classe dirigeante et la répression inouïe des forces de l’ordre, rappelant fort justement qu’en 1968 le Préfet de police de Paris Maurice Grimaud avait dit à ses troupes : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ». Et d’égrener la liste des éborgnés et estropiés tout en passant sous silence les exactions des « manifestants ». « La réalité est plus complexe » annonçait-il en introduction à la soirée. Si rendre compte de la complexité des événements est de faire un procès à charge du pouvoir, l’ancien directeur de la rédaction du Monde est assurément un être doté d’un solide sens de la mesure…

En fait, Edwy Plenel s’empare des «gilets jaunes » pour dénoncer « le présidentialisme français et la démocratie élective ». Il donne au mouvement un fond qu’il n’a manifestement pas ou peu. « On est partis de l’injustice fiscale et on interroge le fonctionnement de la démocratie et la confiscation du pouvoir » avance-t-il. De là à comparer les « gilets jaunes » aux « démo-soc » de 1848 ou encore aux « Marionneux » de 1870, il n’y a qu’un pas qu’il franchit allègrement.

S’il y a bien évidemment des aspects positifs dans la démarche des « gilets jaunes » (certaines propositions sur la fiscalité et sur la citoyenneté qui mettent en évidence la slérose de notre société et la faillite de la belle idée d’égalité), je vois surtout dans leur action une addition de revendications individuelles qui, compte tenu de leur caractère personnel, peinent à s’agréger pour former une pensée cohérente.

L’aspiration à une pratique démocratique plus participative – qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux dans « Révolution » et dont on attend toujours les effets – n’a en effet été formulée que dans un second temps.

Bref, en parfait dialecticien maître en l’art de la digression (cf. le (très) long moment qu’il a consacré à l’affaire Benalla dont la première version, celle de la Contrescarpe, a été révélée par « le Monde »), Edwy Plenel prête aux « gilets jaunes » des idées et des ambitions qu’ils n’ont pas.

Pour terminer sur une note musicale, il n’a pas hésité à pousser la chansonnette enjoignant le public, sous le charme et visiblement conquis, à visionner sur YouTube le titre bien rythmé concocté par un chauffeur-livreur toulousain…

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