Critique – American Mother – Colum McCann – Diane Foley – Belfond

Critique – American Mother – Colum McCann – Diane Foley – Belfond


Dans « Apeirogon », son précédent opus, Colum McCann s’était attaché, pour incarner un conflit qui n’en finit pas, à deux figures : l’une israélienne, l’autre palestinienne. Rami et Bassam ont en commun d’avoir perdu leurs filles tuées par le camp ennemi.

Au lieu de s’enfoncer dans la haine, ils ont choisi de se battre pour faire avancer la paix.

Dans « American Mother » il sonde de nouveau la situation au Proche-Orient via Jim Foley, un journaliste américain assassiné en Syrie par les sbires de Daech.

Écrit à quatre mains par l’auteur de « Zoli » et la mère du supplicié, ce récit raconte l’engagement de Diane Foley pour « maintenir vivant l’esprit » de son fils et faire prendre conscience aux autorités de l’urgence de sauver leurs otages où qu’ils soient dans le monde. Lorsque des soldats sont capturés, les États-Unis mettent tout en œuvre pour les sauver. Lorsqu’il s’agit de citoyens « lambda », c’est l’immobilisme qui prévaut alors que d’autres pays comme l’Espagne ou encore la France déploient tous les moyens pour protéger leurs citoyens. Et de s’interroger sur le bien-fondé du « deux poids deux mesures ». Un militaire aurait-il plus de valeur qu’un journaliste tel que Jim Foley engagé pour attester de situations où les populations civiles sont les éternelles cibles ? La réponse est bien évidemment non pour la mère courage qu’est Diane.

Ce manifeste poignant témoigne aussi du parcours d’une femme qui tente de comprendre ce qui a conduit les terroristes à commettre une telle barbarie pour, peut-être, accorder son pardon.

La scène inaugurale se tient dans une salle du tribunal de Washington où elle va rencontrer Alexanda Kotey, l’un des tortionnaires, qui « a plaidé coupable de huit chefs d’accusation dont l’assassinat en bande organisée » de quatre séquestrés parmi lesquels se trouvait Jim. Cette entrevue la confronte à un homme glacial qui se dédouane de sa participation directe dans l’assassinat du reporter.

S’il a tué, c’est qu’il était en guerre et qu’il n’avait fait que répondre aux ordres de ses supérieurs. « Tout ce que j’ai fait […], je l’ai fait sans méchanceté » affirme-t-il alors que Diane sait pertinemment qu’il était le plus cruel des bourreaux.

Pourtant, « son cœur chavire » lorsque l’accusé lui montre les photos de ses trois filles qu’il ne reverra probablement jamais.

Elle sort de cette épreuve l’esprit embrumé piégé dans un dilemme : la difficulté à appréhender un tel déchaînement de violence et la nécessité du pardon que la religion catholique qu’elle pratique avec ferveur lui a inculquée.

Dans une écriture simple proche du style journalistique, « American Mother » nous offre le portrait bouleversant d’une femme admirable confrontée à une idéologie délétère incarnée par un homme. Et c’est cette humanité qui est au cœur du récit.

EXTRAITS

  • La politique et la guerre sont les plus redoutables incubateurs de mensonges.
  • Révéler l’humanité dans certaines des situations les plus inhumaines.

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