Critique – Arpenter la nuit – Leila Mottley – Albin Michel

Critique – Arpenter la nuit – Leila Mottley – Albin Michel


C’est en s’inspirant d’un fait divers que Leila Mottley a composé son premier roman. En 2015, des membres de la police d’Oakland ont été impliqués dans une affaire d’exploitation sexuelle d’une jeune femme.

En racontant l’histoire fictionnelle de Kiara, c’est à l’ensemble de ses sœurs réelles que l’autrice donne voix.

Kiara vit avec son frère Marcus. Le père est mort, la mère croupit en prison.

C’est donc sur les épaules de l’adolescente de dix-sept ans que repose la survie de la fratrie. Marcus a en effet un rêve qui l’empêche de se disperser : devenir un rappeur célèbre.

C’est par hasard que Kiara va se prostituer et tomber dans un engrenage infernal.

Avec son écriture simple, Leila Mottley colle au plus près de la vérité de l’existence de la grande majorité des Noirs, celle de la misère, de la crasse et de la laideur.

Avec une fausse légèreté et un vrai sens de la formule, elle transcende la réalité.

Si la prostitution et la condition des Noirs sont des sujets largement évoqués dans la littérature, l’originalité du récit de Leila Mottley est de proposer un éclairage saisissant sur la situation des femmes afro-américaines. « Comme beaucoup de jeunes filles noires, j’ai grandi en entendant dire que mon devoir était de protéger mon frère, mon père et les hommes noirs qui m’entouraient » explique-t-elle, ajoutant « il n’y avait rien ni personne qui pouvait ou voulait me protéger ». Comment une adolescente noire peut-elle se construire avec une telle responsabilité ? La réponse, c’est Kiara, avec son humanité, qui la donne.

Couronné du Prix du roman PAGE/AMERICA 2022, « Arpenter la nuit », malgré une baisse de régime dans la tension narrative et des longueurs, présage peut-être la naissance d’une grande écrivaine. À suivre…

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