Critique – Gabriel’s Moon – William Boyd – Seuil

Critique – Gabriel’s Moon – William Boyd – Seuil


Amateur et auteur, par intermittence, de romans d’espionnage – les plus ou moins réussis « La Vie aux aguets » (2007), « L’Attente de l’aube » (2012) et le très décevant « Solo » (2014) qui poursuit l’entreprise de Ian Fleming en campant l’agent 007 -, William Boyd renoue avec cette littérature de genre si prisée des Britanniques et dont le maître incontesté est John Le Carré.

Avec « Gabriel’s Moon », il offre à ses lecteurs le premier volume d’une trilogie dont les codes sont empruntés au « spy novel ».

La veine romanesque du plus français des auteurs anglais ouvre pourtant d’autres horizons que la simple mise en scène d’agents secrets sur fond de guerre froide.

La guerre froide, justement, est à son acmé au tout début des années 1960 : en août 1961, l’Allemagne de l’Est construit le mur de Berlin pour stopper l’hémorragie de sa population fuyant vers l’ouest ; à la fin de l’année suivante, la crise des missiles de Cuba fait craindre une guerre nucléaire.

L’Afrique, où est né Boyd, est le point de départ du récit.

Séjournant en République du Congo, le journaliste et écrivain voyageur Gabriel Dax se voit offrir une opportunité extraordinaire : interviewer le tout nouveau Premier ministre du pays.

Principal chef de file de l’indépendance de la colonie belge, Patrice Lumumba représente un espoir pour son peuple.

Les puissances occidentales, avec en tête les États-Unis, voient d’un mauvais œil cet affranchissement d’une région richement dotée en uranium.

Lors de cette rencontre, Gabriel recueille les révélations, qu’il enregistre, de l’homme politique qui lui avoue avoir peur pour sa vie.

Quelques jours plus tard, il sera assassiné…

Dans l’avion du retour vers Londres, il croise une femme plongée dans la lecture de l’un de ses livres…

Gabriel est ferré et deviendra la victime plus ou moins consentante de cette fascinante quadragénaire espionne au service de sa Majesté.

Pour composer le personnage de Faith Green, Boyd s’est inspiré de Daphne Park qui finit sa carrière comme principale d’un College d’Oxford où il a étudié !

De l’Espagne à la Pologne, notre apprenti barbouze va tomber de Charybde en Scylla sous le regard du lecteur qui ne va pas, lui aussi, éviter les chausse-trapes et les traquenards. Envahi par la peur lors de ses premiers pas dans le monde secret du MI16, il va prendre goût à la clandestinité.

Le talent de Boyd est de métamorphoser, sans y toucher, un trentenaire plutôt fadasse et superficiel en un homme qui prend de l’assurance.

Le Gabriel, enfant de six ans qui a vu sa mère mourir dans la maison familiale et qui se sent coupable de cette perte, tellement coupable qu’il souffre d’insomnies et noie ses tourments dans le whisky et autres tord-boyaux, se délivre de son mal-être lors de séances de psychanalyse qui le font entrer enfin dans l’âge adulte.

« Gabriel’s Moon » réussit à transformer les enjeux de la guerre froide, âge d’or de l’espionnage, en un roman plein de charme, de malice et d’humour.

Nous attendons avec impatience le second opus de la trilogie dont le deuxième tome vient de sortir en anglais. Son titre : « The Predicament ».

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