Critique – Le pont des soupirs – Richard Russo – Quai Voltaire
Rendre intéressante la vie de gens ordinaires évoluant dans une petite ville de province, c’est le pari réussi par Richard Russo (il l’a réitéré près de dix ans plus tard avec « A malin, malin et demi »).
Le personnage central Louis C. Lynch, alias Lucy pour ceux qui aiment le taquiner, est né à Thomaston et y a toujours vécu. Nul doute qu’il y sera enterré. Fils d’un homme trop gentil et optimiste qu’il vénère et d’une femme lucide sur la cruauté du monde, il n’aspire qu’à prendre la succession de son épicier de père. A la soixantaine, il couche sur le papier les souvenirs d’une existence peu palpitante mais, paradoxalement, heureuse. Même s’il est toujours hanté par un événement terrible qui a marqué son enfance et qui provoque chez lui des absences. Marié à son amour de jeunesse Sarah, il s’apprête à partir pour Venise en espérant retrouver son ami d’enfance Bobby dont l’affection n’était pas réciproque.
En revenant par l’écriture sur ses jeunes années, Louis raconte la vie d’une bourgade avec ses quartiers séparés entre classes sociales, les plus modestes, accrochés au rêve américain, aspirant à grimper dans la hiérarchie. Deux ombres planent sur la communauté : les Noirs, laissés pour compte, et la pollution de la rivière par une tannerie, grosse pourvoyeuse d’emplois, qui multiplie les cas de cancers chez les habitants.
S’il ne se passe pas grand chose tout au long des quelque 700 pages de cette saga familiale mélancolique, les personnages sont tellement épatants, attachants, fouillés et l’auteur les aime tellement qu’il sait nous les rendre attachants et émouvants. Malgré ou grâce à leur banalité. Et quelle que soit leur insignifiance, elle ne les empêche pas d’avoir des secrets, des rêves et parfois des cauchemars.
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.
+ There are no comments
Add yours